Apocalypse Now: Les années Fillon. L'histoire secrète de la droite française

Auteur(s) : Gérard Davet, Fabrice Lhomme
Editeur : Fayard

1 306 400 euros ; soit le montant global des sommes perçues indûment par le couple Fillon depuis 1981, selon les enquêteurs.
Cet argent a le goût de la défaite en 2017, pour la droite française.
De la débâcle, plutôt.
Après La Haine. Les années Sarko, voici donc le second tome de notre fresque politique, relatant cette fois la période 2014-2019.
L’affaire Fillon sera jugée à partir de février 2020, les dossiers Bygmalion, Azibert et d’autres encore suivront bientôt. La droite ne s’en remettra pas, déballage de linge sale garanti. Car tous ces scandales politico-judiciaires sont nés de guerres fratricides, notre enquête l’atteste. Elle est nourrie de témoignages sans filtre, de documents exclusifs et, aussi, de spectaculaires révélations.
C’est la fin d’une époque, de fureur et de sang, laissant la droite française vitrifiée.
Apocalypse Now.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme sont grands reporters au journal Le Monde.

21,50 €
Parution : Janvier 2020
414 pages
ISBN : 978-2-2137-1296-3
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Extrait

Vendredi 3 mars 2017, 8 h 28.
SMS de François Fillon à Thierry Solère, porte-parole de sa campagne présidentielle.

« Thierry.
Tiens jusqu’à dimanche.
Je te le demande comme un service personnel et j’en tirerai toutes les conséquences.
La solution Juppé ne fonctionnera pas et le rassemblement de dimanche sera un événement populaire de soutien sans la moindre connotation anti-justice.
Tu n’as pas fait tout cela pour rien !
Amitiés.
François »

Ce matin-là, quand il expédie son texto, Fillon est déjà un « ex-futur » président de la République. Autour de lui, le vide. Bruno Le Maire est parti, son directeur de campagne aussi, Sarkozy et Juppé jouent à cache-cache… Les juges viennent de le convoquer en vue d’une mise en examen. Il lui reste pour seule perspective, le dimanche à venir, un ultime rassemblement populaire, place du Trocadéro, pour défier la justice et prouver qu’il reste debout, stoïque dans la tempête.
À 12 h 13 ce vendredi, Thierry Solère officialise sa défection, sur Twitter.
« J’ai des appels pathétiques ensuite de Fillon, quand je dis que je vais partir », confie Solère, qui a depuis rallié La République en marche. Mais sa décision est irrévocable, il l’explique au candidat de la droite : « Au-delà de mon choix, tu ne peux pas me garder comme porte-parole, alors que j’ai dit les mêmes conneries que toi. »
Les mêmes « conneries » ? Cet engagement public de se retirer en cas de mise en examen, par exemple. Cette certitude affichée avec morgue : le scandale des rémunérations de complaisance dont aurait bénéficié sa femme ne serait qu’un ballon de baudruche, une fausse affaire montée de toutes pièces. Autant de messages assénés sur toutes les antennes, depuis de longues journées.
Et ça, Solère n’en peut plus.
Fillon laisse des messages, encore et encore, lui si lointain ces derniers mois. « Il me dit, se souvient Solère : “Ne me lâche pas maintenant, je t’en supplie, je t’en supplie…” C’est dur. Ça ne me fait pas rire. La seule chose à faire, c’était de dire : “Je stoppe ma campagne, game over”. Moi, j’étais sur le point d’arrêter la politique. » Les deux hommes se parlent, une dernière fois, au téléphone. Fillon revient encore à la charge : « Thierry, je t’en supplie, reste, je vais gagner, et j’en tirerai les conséquences pour le reste de ta carrière. » Le débonnaire député des Hauts-de-Seine s’emporte à ce souvenir : « Le pire de ce qu’il pouvait dire. Je ne fais pas tout ça pour être secrétaire d’État délégué… » Il largue définitivement les amarres. Comme tous les autres, ou presque.
Fillon a toujours été envieux des triomphes présidentiels de Chirac, Sarkozy ou Hollande, trois hommes à qui il s’est continuellement jugé supérieur. À en croire un vieux proverbe allemand, l’envie est un scorpion qui se pique lui-même. Mais le venin fait parfois d’autres victimes. Car Fillon n’a pas seulement creusé sa propre tombe, c’est toute sa famille politique qu’il a durablement enterrée.
L’apocalypse est le fruit d’un long processus.
Le déjanté Jack Kerouac l’a si bien décrit, dans son roman culte Sur la route : « Puis vient le jour des révélations de l’Apocalypse, où l’on comprend qu’on est maudit, et misérable, et aveugle, et nu et alors, fantôme funeste et dolent, il ne reste qu’à traverser les cauchemars de cette vie en claquant des dents. »
Maudit, misérable, aveugle et nu, Fillon l’est, en ce début d’année 2017. Il va bientôt devenir un fantôme politique. Traînant son boulet.
Le même destin, en bien pire, que Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé, si proprement assassinés, avec son active participation.
Trois ans auparavant.

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