Comment sauver le genre humain

Auteur(s) : Paul Jorion, Vincent Burnand-Galpin
Editeur : Fayard

À titre individuel, nous n’avons jamais été aussi riches et en aussi bonne santé. Au même moment, la survie de l’espèce humaine dans son ensemble n’a jamais été aussi menacée. Que faire ? Mettons à profit nos connaissances, mobilisons les citoyens du monde, et engageons nos États dans un effort de guerre contre l’extinction, et pour garantir une véritable transition humaniste, sociale et écologique vers un monde remis à neuf.
À titre individuel, nous n’avons jamais été aussi riches et en aussi bonne santé. Au même moment, la survie de l’espèce humaine dans son ensemble n’a jamais été aussi menacée. En dépassant la capacité de charge de notre environnement, nous mettons en cause aujourd’hui notre propre existence.
Que faire ? Les tentations sont nombreuses : celle du repli sur soi du survivalisme, celle de la fuite en avant du transhumanisme, celles aussi hélas de l’eugénisme et de l’exterminisme visant à éliminer une partie de la population jugée nuisible ou inutile.
Relevons la tête tant qu’il en est encore temps et réalisons qu’un autre avenir est possible : la rébellion contre l’extinction est désormais en marche, poursuivons-la, soutenons-la de la feuille de route que l’on trouvera ici. Mettons à profit nos connaissances, mobilisons les citoyens du monde, et engageons nos États dans un effort de guerre. Seule une entreprise de cet ordre est à même de garantir une véritable transition humaniste, sociale et écologique vers un monde remis à neuf. Cette fois sur une base de pérennité.

Si un demi-siècle sépare les deux auteurs, le même sentiment de l’urgence pourtant les rapproche.

Anthropologue, sociologue et psychanalyste, Paul Jorion révolutionne depuis douze ans le regard que nous portons sur la finance et l’économie. Il a récemment publié chez Fayard Défense et illustration du genre humain. Vincent Burnand-Galpin est étudiant à l’ENSAE ParisTech et à Sciences Po Paris. Très investi dans sa vie étudiante, il a notamment publié le Guide d’action du lycéen engagé et fonde la tribune étudiante de l’ENSAE.

20,00 €
Parution : Mars 2020
288 pages
ISBN : 978-2-2137-1684-8
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Extrait

Survie individuelle et survie de l’espèce

Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard, affirme que nous n’avons jamais été aussi riches, nous n’avons jamais été en meilleure santé, jamais la violence dans nos sociétés n’a été aussi réduite qu’aujourd’hui.
Tout ce qu’il dit là est absolument vrai.
Mais, une fois nous être réjouis de ce constat réconfortant, notons que le fait que nous soyons plus riches qu’autrefois, en meilleure santé, que la violence soit faible, est sans rapport avec le fait de savoir si nous maîtrisons ou non le risque d’une extinction du genre humain, à moyenne ou à brève échéance.
Rien n’interdit en effet que nous puissions disparaître en tant qu’espèce, alors qu’à titre individuel nous n’avons jamais vécu aussi longtemps en bonne santé. Nous pourrions même être sur le point de faire du rêve de l’immortalité individuelle une réalité. Il suffirait en effet pour cela que nous définissions le vieillissement comme une maladie, et que le fait que nous le considérions ainsi déclenche pour le vaincre une mobilisation inédite des ressources que procurent les progrès combinés de la médecine et de la génétique. Nous deviendrions immortels au sens où la longévité potentielle de notre organisme serait de fait infinie, les mécanismes ayant été domptés qui font que, à partir du moment où nous avons cessé d’être utiles pour la reproduction, notre décrépitude s’enclenche pour progresser ensuite inexorablement.
Le vieillissement aurait été vaincu, et l’immortalité acquise, au sens de la longévité indéfinie, cela ne changerait toutefois rien au fait que nous pourrions être ensevelis comme avant sous la lave ou la cendre crachées par un volcan, terrassés de la même manière par une peste inédite, pulvérisés par une bombe, et qu’un impératif existe pour nous d’inspirer de l’oxygène plusieurs fois par minute, de boire de l’eau toutes les quelques heures, et d’ingérer ce que nous qualifions d’ « aliments » plusieurs fois par jour.
Rappelons-nous en particulier que nous ne serons jamais à l’abri d’une épidémie inédite, à laquelle nous serions particulièrement vulnérables dans un contexte de malnutrition, même ponctuelle. En 1918 et 1919, la grippe espagnole a ainsi fait 50 millions de morts, davantage de victimes que la Première Guerre mondiale, qui n’avait cependant pas été avare en victimes avec ses 18,5 millions de morts. La seule bataille de Verdun en avait causé 700 000. En Asie Mineure surtout, des populations entières furent décimées. Sur les champs de bataille de Turquie, 800 000 militaires sont morts et, effet induit de la guerre, 4,2 millions de civils, du fait de la famine et des épidémies.

La capacité de charge d’une espèce

La menace d’extinction pour l’espèce est d’un tout autre ordre que celle que fait peser la mortalité individuelle : elle porte sur l’espèce en tant que telle et est indépendante du bonheur vécu par les personnes. Chaque individu vit dans sa propre bulle, dont la taille est à la mesure de sa mobilité personnelle, alors que l’environnement de l’espèce est notre planète dans l’ensemble de ses zones habitables. Dans cet espace global, des sous-populations sont privilégiées, insensibles à la souffrance d’autres moins bien nanties et, provisoirement du moins, à la souffrance du genre humain dans son ensemble et à la menace planant sur lui en tant qu’un tout.
Au fil des millénaires, nous avons pillé la nature autour de nous, nous l’avons transformée en décharge pour des déchets, plastiques ou nucléaires, dont nous ignorons toujours comment les recycler, mais sans que cela nous préoccupe outre mesure : il s’agit d’un souci que nous transmettons de gaieté de cœur à nos descendants comme challenge à leur sagacité. Nous avons rejeté dans l’atmosphère, et nous continuons de le faire d’enthousiasme, des gaz à effet de serre qui y ont déclenché un réchauffement climatique ayant déjà provoqué l’errance dramatique de populations devenues trop nombreuses pour l’environnement désormais dégradé qui était le leur.
Quelques scientifiques isolés doutent que nous soyons à l’origine de ce réchauffement, mais qu’importe la diversion stupide qui consisterait à déterminer si nous sommes bien seuls responsables puisque ce réchauffement se lit dans les faits, faits soutenus par des chiffres accablants.
Nous avons atteint pour le genre humain la limite de ce que le biologiste appelle la capacité de charge d’une espèce par rapport à son environnement. Chaque espèce entretient en effet une relation particulière avec son environnement : il faut que celui-ci soit de telle et telle manière pour l’accommoder, et il faut qu’elle, de son côté, respecte la capacité de cet environnement à la faire survivre, le prix à payer sinon étant sa mort.
Quelques rappels de base : pour que nous puissions vivre à la surface de la Terre, il faut non seulement qu’il y ait de l’oxygène dans l’atmosphère autour de nous, mais aussi qu’en soient absents les gaz qui nous sont toxiques ; il faut que nous ayons tous accès à de l’eau en quantité suffisante ou à des liquides contenant de l’eau qui soit considérée comme « potable », ce qui veut dire pas empoisonnée de notre point de vue ; il faut que nous ayons accès pour assurer notre alimentation à des substances qualifiées d’ « assimilables », c’est-à-dire dont les composants trouvent à s’intégrer dans notre organisme par la digestion.
Ce sont des contraintes de cet ordre, extrêmement strictes, qui nous lient de manière pratiquement indéfectible à la planète qui nous a vus naître, et qui expliquent pourquoi explorer l’espace ne s’assimile pas simplement à mettre au point des véhicules spatiaux sophistiqués : nous n’avons pas été conçus pour nous trouver ailleurs que sur terre ! Ou, dit sans ambages : c’est la Terre qui nous a conçus pour son propre usage.
Pour cet environnement, dont nous devons respecter la capacité de charge, il est déjà bien tard : il était vulnérable, il est désormais encore davantage fragilisé. Notre survie, malgré la générosité de la Terre à notre égard, n’est assurée que dans une bande extrêmement étroite. Nous sommes en train de détruire les conditions de notre propre survie comme espèce (sans même mentionner toutes celles que nous entraînons dans notre propre chute) et nous sommes sans doute proches d’avoir rendu le processus irréversible, si ce n’est déjà le cas.

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