Les Gaulois réfractaires demandent des comptes au Nouveau Monde

Auteur : Philippe de Villiers
Editeur : Fayard

Voici la chronique glaçante des aveuglements face au coronavirus en France ; voici la mise en récit de la colère qui gronde partout aujourd’hui contre le Nouveau Monde, mort de la crise sanitaire.
Ce livre se lit d’une traite, à bride abattue.

Il porte la rage des « Gaulois réfractaires » et la met en récit pour la rendre intelligible à ceux qui la ressentent.

C’est la chronique glaçante d’une histoire terrifiante : on y découvre le chemin des aveuglements qui a conduit à cette débâcle, l’engrenage des mensonges, la révélation hallucinante des alertes des militaires, les ignorances savantes du biopouvoir liberticide ; sans oublier un morceau d’anthologie : la rencontre du Puy du Fou, quand Emmanuel Macron s’enivrait encore de l’Ancien Monde.

La plume de Philippe de Villiers est inspirée. On se laisse emporter par l’expression aboutie, dense, littéraire et cinglante de la colère qui gronde partout aujourd’hui contre le Nouveau Monde, mort du coronavirus.

15,00 €
Parution : Juin 2020
162 pages
ISBN : 978-2-2137-1748-7
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Extrait

Introduction

Le gros de l’épreuve est derrière nous, à ce qu’on nous dit. Les portes s’entr’ouvrent. Sortir n’est plus dérogatoire. On peut désormais traverser la rue, aller dire bonjour au voisin sans attestation. Un vrai soulagement. Mais le Premier ministre nous a prévenus : « Il va falloir vivre avec le virus. » Alors personne n’est vraiment rassuré. À chaque instant, on sent que les autorités hésitent entre le confinement déconfiné et le déconfinement reconfiné. Au moment où je prends la plume, la faillite politique et morale a déjà débouché sur un « Munich sanitaire et social » durable.
L’épreuve a suscité des rentes involontaires pour les professionnels du commentaire et ceux des temples mercantiles. Les audiences des chaînes d’info ont bien profité de la crise, comme d’ailleurs les enseignes de la grande distribution dont les têtes de gondole affichent une mine resplendissante. Leur publicité s’est adaptée aux temps nouveaux, elle invite – qui l’eût cru ? – les clients à la préférence nationale : « Achetez français. » Les hypermarchés font le serment de se fournir « chez nous ». Tous ces tueurs en série des petits producteurs et du commerce de centre-bourg sont allés à confesse. Ils sont dans le rachat. Ils vendent les asperges du pré carré. C’est beau comme l’antique. Le fils prodigue exige, pour son retour, que le veau gras vienne des prairies charolaises. Les temps changent.
Pendant des semaines, les écrans étaient allumés du matin au soir. Nous étions tous devenus des cathodiques fervents depuis laudes jusqu’à vêpres du vingt heures. Nous avions le nez sur les bandes passantes et chacun attendait l’office du soir du chanoine Salomon. Chez moi, toute la famille des bien-portants sacrifiait au rite du « point-presse ». On écoutait le prône. On guettait, derrière son lutrin de plexiglas, cette silhouette bonhomme et emphatique : perlé de sueur, il égrenait sa litanie des malheurs du jour, puis laissait entrevoir les guérisons et béatitudes à venir. Il rosissait chaque soir davantage, en découpant avec componction les poulets sacrés des augures : « Le pic est devant nous, mais la situation est maîtrisée. » Bel oxymore… Lui aussi est parti en vacances. Il doit se reposer d’avoir scrupuleusement pratiqué, sur commande, le mentir-vrai d’Aragon – c’était pour notre bien, pour prévenir la panique, pour traiter nos angoisses de patients impatients et, surtout, pour contenir la propagation du populisme sanitaire enflammé par le druide de Marseille, avec sa faucille d’or, qui accordait, du haut de son tilleul sacré, ses potions et indulgences plénières à la chloroquine.
On nous rassure : tout cela est derrière nous. Le vacarme de tous les « faux prophètes » et guérisseurs non agréés par les laboratoires s’est tu, c’en est fini de l’enfer de Dante, des gouttelettes du Diable, on déjeune sur l’herbe avec Monet, on danse dans les blés murs avec Van Gogh.
À nouveau, on entend le chant des grillons. À tourner en rond dans l’hiver infini, nous nous étions déshabitués des saisons. Nous n’avons pas connu le printemps, il est passé sous nos fenêtres sans fleurs ni couronnes. C’est déjà l’été. Le soleil vient réchauffer nos humeurs masquées. Le temps du gel sur les mains n’est pas fini. Mais on rêve plutôt de se badigeonner aux huiles grasses de l’ambre solaire et de laisser l’hydroalcoolique à l’heure de l’apéro.
Il faut tourner la page. On va essayer de revivre comme avant. En feignant de croire que l’accident planétaire qui nous a plongés dans cette claustration d’un autre âge n’était qu’une parenthèse. Qu’on fermera au plus vite. Qu’on effacera, d’un coup d’été, en courant pieds nus sur le sable ou le remblai, face à la mer toujours recommencée. Il suffira sans doute de quelques accolades pour faire revenir l’insouciance dans nos cœurs allégés. On oubliera. On dira bonjour comme avant. Mais, dans le for intime, il y aura toujours une petite brisure, qui nous rendra plus fragiles.
On s’efforcera de toiser, d’afficher une bonne mine. Pour ne pas désespérer le petit Billancourt des vies enténébrées par le malheur et qui sont sur la grève. Personne n’a le cœur à jouer à la sauterelle sur un tambour. Il faut panser les plaies. Les blessures sont là, les meurtrissures demeurent. On a beaucoup pleuré, on a vu partir des proches sans pouvoir leur dire « au revoir ». Et puis il y a les amis qu’on a mis en terre sans faire-part ni cérémonie, comme au temps de la Peste noire. C’est le tableau de l’enterrement à Ornans, vidé du cortège covidé et du requiem interdit. Le progressisme, qui avait commencé dans l’éclat des Lumières, finit avec les nuits obscures où Antigone se voit refuser le droit d’enterrer son frère.
Tous les rescapés ont l’âme poisseuse. Ce qui n’empêche pas l’expression unanime de leur gratitude pour les sauveteurs aux mains nues. Ensemble, nous sommes les survivants d’une nation hébétée et reconnaissante. La « guerre » est finie. On est heureux de retrouver ses voisinages, on ira chez les autres juste après avoir vérifié qu’on a bien touché le chômage technique et que l’entreprise est sortie sans dommage de la respiration artificielle. On sent que plus rien ne sera comme avant. La guerre est finie, mais ce n’est pas une libération. On n’a pas envie de monter sur les chars de la victoire avec des bouquets de fleurs. Le malheur a laissé derrière lui un indicible malaise.
Ce malaise tient à l’idée vague mais tenace qu’on aurait pu peut-être éviter tous ces morts. La parole publique a failli. Personne n’a rien vu venir ou n’a rien voulu dire. Et puis on subodore qu’un micro-organisme sournois peut en cacher un autre et qu’une belle incurie nous prépare sans doute de nouvelles incompétences prometteuses. On ne sera plus jamais tranquille. Les attentats étaient une sommation. Et le virus a frappé. Le Tragique est revenu dans nos vies.
Si j’ai décidé d’écrire les lignes qui suivent, ce n’est pas pour verser dans l’aigreur ou raconter mes états d’âme. Je ne suis pas dans la traque des coupables ou des collabos. Non plus que dans l’acrimonie ou la quête du pénal ; mais, ayant assumé des responsabilités dans la sphère publique pendant quarante ans, ayant été traîné dans la boue pour les vérités prémonitoires que j’ai publiées, j’exerce, en quelque sorte, depuis mon Aventin, mon droit de suite : je me suis astreint à la recherche des causalités. Ce livre est un trousseau de clés qui permet d’ouvrir les portes sur la catastrophe. Ainsi comprendra-t-on – je l’espère – que ce drame vient de loin. Et surtout par quel poison on a choisi le laissez-faire, laissez-passer de la contagion virale plutôt que d’accepter quelques entorses à l’idéologie.
Ce qui court spontanément sous ma plume, en cet instant, à l’adresse de tous les déconfinés, c’est bien sûr une encre de tristesse et d’incompréhension. Comme beaucoup de nos compatriotes, je sens monter en moi une colère froide. Comment un tel engrenage a-t-il pu s’enclencher ? Comment se fait-il que, dans les hautes sphères, où des employés à vie sont payés à décrypter les alertes, les « signaux faibles » comme ils disent, et à déclencher le magnésium des balises de détresse, on ait manqué à ce point de discernement, d’anticipation et de répondant ?
Les dégâts sont considérables, ils ne sont pas tous réparables, hélas. La mort de masse est revenue en force sans que l’État régalien ait pu nous protéger. Et puis il y a le champ de ruines des fleurons français qui ne pourront jamais se rétablir, sacrifiés par l’impéritie et la désinvolture de la dandy-gouvernance. Le tissu conjonctif de la France industrieuse s’est déchiré. Ce n’est pas avec les milliards de la Banque centrale qu’on va relever le rideau du « café de l’Avenir » qui, en fait d’avenir, n’en a plus guère et de la boulangerie « Aux galettes pacaudes » qui a éteint le four depuis de trop nombreuses semaines. Les bistrots qui vont mourir, les restaurants déjà fermés, les petits entrepreneurs qui font tourner l’économie réelle et qui perdent pied, c’est la « distanciation sociale » instituée, elle devient pour longtemps le pas de porte de nos paysages lunaires.

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