No sex in the city ?

Auteur : Candace Bushnell
Editeur : Albin Michel

Si vous pensiez qu’avec le temps Candace Bushnell s’était assagie, vous avez tout faux ! Vingt ans après avoir brisé les tabous et sacrément libéré les mœurs, l’auteure du best-seller légendaire Sex and the City revient… et elle n’a pas pris une ride. Ou presque.
Car elle aborde ici les problèmes rencontrés par les quinquas qui se retrouvent seules sur le marché de l’amour. Finie l’ère de la performance, du coup d’un soir et de la frivolité, bienvenue dans le désert du… No Sex in the city ?
Avec l’humour et le franc-parler qui la caractérisent, Candace Bushnell nous prouve le contraire, exemples à l’appui et solutions clés en main !
Un livre jubilatoire.

Traduction : Marie Hermet
19,90 €
Parution : Juin 2020
288 pages
ISBN : 978-2-2264-4464-6
Fiche consultée 62 fois

Extrait

Sex and the city, et après ?

L’un des grands avantages de la maturité, c’est que, avec le temps, la plupart des gens deviennent un rien plus compréhensifs et bienveillants. La raison, c’est que lorsque vous atteignez la cinquantaine, vous êtes déjà un peu cabossé par la vie. Vous avez appris deux ou trois choses. Par exemple, qu’une existence en apparence idyllique peut être vécue intérieurement comme un cauchemar. Et que vous rencontrerez des revers, même si vous faites tous les efforts possibles pour atteindre la perfection. Mais surtout, vous avez appris que vos certitudes les plus sacrées peuvent très bien, du jour au lendemain, cesser de l’être.
Comme le mariage. Et l’amour. Et même la ville.
Mon histoire d’amour avec New York a commencé à partir en vrille vers l’époque où mon chien est tombé raide mort dans une allée privée près de Washington Square Park. C’est un épagneul qui l’a tué. Pas littéralement, non. En fait, c’était un accident. Mais j’avais l’impression que ce n’était pas une coïncidence : l’après-midi précédant la mort subite du chien, j’avais déjà rencontré l’épagneul tueur, à la banque.
Arc-bouté sur ses pattes, il grondait. Gêné, celui qui le tenait en laisse – un jeune homme d’une vingtaine d’années, dont la tête faisait penser à un petit pain ramolli – s’est accroupi pour le prendre dans ses bras. Le chien en a profité pour lui mordre le doigt.
J’ai secoué la tête. Il y a des gens qui ne sont pas faits pour élever un chien, et ce jeune homme en était un exemple évident.
Le lendemain matin, j’étais debout à sept heures et demie, toute fière de démarrer ma journée si tôt. J’habitais un immeuble avec portier, et il m’arrivait souvent de sortir mon chien sans prendre ni clés ni téléphone, sachant que je serais de retour deux minutes plus tard.
Ce matin-là, quand j’ai tourné le coin de la rue, j’ai aperçu un petit attroupement quelques mètres plus loin : c’était le garçon à l’épagneul.
J’ai changé de trottoir en me félicitant d’avoir évité un danger.
Dans l’allée arborée, mon chien prenait tout son temps. Le garçon et sa bête ont longé le pâté de maisons et traversé la rue. Ils étaient maintenant sur notre trottoir, et d’un seul élan l’épagneul s’est mis à foncer vers nous.
J’ai tout vu arriver en gros plan : le vieux collier de cuir noir tout élimé, le fermoir en métal usé qui reliait le collier à la laisse. Le nuage poussiéreux de particules de cuir au moment où le fermoir a cédé, libérant la bête.
Les muscles du garçon se sont réveillés. Il s’est jeté à la poursuite de son chien et a réussi à l’attraper juste avant qu’il n’atteigne le mien.
J’ai pensé que mon chien était sauf et qu’il ne s’agissait que d’une escarmouche canine comme tant d’autres. Il y a partout dans cette ville des bêtes qui mordent par peur. Ces incidents-là arrivent en permanence.
En sentant la laisse se relâcher dans ma main, je me suis retournée pour chercher mon chien des yeux. Il m’a fallu une seconde pour le voir : il gisait sur le trottoir, couché sur le côté.
Il tremblait. Au moment où je me penchais au-dessus de lui, ses yeux se sont révulsés et sa langue, sa langue épaisse de grand chien, a glissé sur le côté de sa gueule ouverte.
Tucco, qui portait le nom d’un personnage du film préféré de mon mari, Le Bon, la Brute et le Truand, Tucco était mort.
J’étais au bord de la crise de nerfs, mais j’ai pensé qu’il serait contre-productif d’attirer l’attention sur moi. Une petite foule m’a très vite entourée, proposant de l’aide. Personne ne savait quoi faire.
Le chien n’était pas vraiment une miniature : un lévrier d’Ibiza, il faisait soixante-treize centimètres au garrot et pesait bien trente-quatre kilos. À peu près le poids et la taille d’un petit daim.
Je n’étais pas sûre de pouvoir le soulever. Et ce n’était pas le seul problème. Je n’avais rigoureusement aucune idée de ce qu’il convenait de faire. Je n’avais pas mon téléphone sur moi ni mon portefeuille, et mon mari, ce jour-là comme tant d’autres, était en voyage.
Quelqu’un a appelé le cabinet vétérinaire le plus proche et, même s’il était trop tôt pour qu’il soit ouvert, on m’a promis d’envoyer un membre du personnel sur place pour m’accueillir. Comme le cabinet était à plusieurs rues de distance, un passant a arrêté un taxi, un autre a ramassé le corps, et le garçon à l’épagneul tueur a dit :
– Je suis désolé. J’espère que ce n’est pas mon chien qui a tué le vôtre.
Il a fouillé dans sa poche et en a extrait un billet de vingt dollars tout chiffonné, usé et crasseux. Il me l’a fourré dans la main en disant que c’était pour le taxi.
Je suis montée dans la voiture. Le chien mort, encore chaud, a été déposé à côté de moi.
– Faites vite, je vous en prie, ai-je dit au chauffeur.
L’une des choses qu’on apprend en atteignant la cinquantaine, c’est que dans la vie les choses ne se passent pas comme au cinéma. Dans un film, le chauffeur se serait exclamé.
– Oh là là, ma pauvre, votre chien !
Et il aurait démarré sur les chapeaux de roues pour foncer jusqu’au dispensaire pour animaux où les brillants vétérinaires new-yorkais auraient ranimé le chien. Ils l’auraient même sauvé. Mais dans la vraie vie, le chauffeur de taxi ne s’est pas laissé impressionner du tout. Il ne voulait pas d’un chien mort sur la banquette arrière de sa voiture.
– Les chiens ne sont pas autorisés.
– C’est une urgence.
– Pourquoi ? Il est malade ?
– Oui, oui. Il va mourir. S’il vous plaît, monsieur. Il est peut-être déjà mort.
C’était la chose à ne pas dire.
– Il est mort ? Je ne peux pas avoir un chien mort dans mon taxi. S’il est mort, c’est une ambulance qu’il vous faut, c’est tout.
– Je n’ai pas mon téléphone sur moi ! ai-je hurlé.
Le chauffeur a essayé de me faire sortir du taxi, mais je ne voulais pas bouger, et il ne voulait pas toucher au chien, alors il a fini par céder. Il n’y avait que trois carrefours à traverser sur la Sixième Avenue, mais la circulation était bloquée, les voitures avançaient pare-chocs contre pare-chocs. Il m’a insultée pendant tout le trajet.
Je l’ai écarté de mes pensées en me rappelant que, même si ma situation n’avait rien de drôle, il y avait quelque part dans le monde d’autres femmes qui vivaient des choses bien plus horribles. Et finalement, la mort subite et inattendue de mon chien n’était pas la pire chose qui me soit arrivée ces derniers temps.
L’année précédente, j’avais perdu ma mère. C’était aussi une mort inattendue. Arrivée à la cinquantaine, mon âge aujourd’hui, elle avait suivi un traitement hormonal de substitution. À l’époque, c’était ce qu’on prescrivait aux femmes ménopausées. Le problème, c’était que ces hormones pouvaient provoquer des cancers du sein souvent mortels. Alors, même si personne dans notre famille n’en avait été atteint, même si toutes les femmes des deux lignées avaient vécu jusqu’à quatre-vingt-dix ans bien tassés, ma mère s’était éteinte à soixante-douze ans.
Sur le moment, j’avais affirmé que tout allait bien, même si ce n’était pas vrai. Je perdais mes cheveux et je ne pouvais plus manger.

Informations sur le livre