La Mort et son frère

Auteur : Khosraw Mani
Editeur : Actes Sud

Dans “l’étrange ville de Kaboul”, un matin d’hiver, un jeune homme sort de chez lui pour aller retrouver celle qu’il aime. Dix minutes après, une roquette tombe sur sa maison et tue quatre membres de sa famille. L’attentat, son contexte et ses conséquences sont ensuite évoqués à partir d’une trentaine de points de vue différents, ceux de protagonistes qui de près ou de loin ont un rapport avec le drame, d’un chauffeur de taxi à un chien errant, d’une journaliste de la télévision à l’arbre planté face au bâtiment détruit, d’un terroriste à un gamin des rues, d’un détrousseur de cadavres à la pelle qui creuse pour préparer les tombes.

Ainsi les voix de Kaboul, de l’aube jusqu’à tard dans la nuit, racontent-elles des histoires d’amour, de corruption, de remords, de sexe, de massacres, de pertes, de gains, de mensonges, de cruauté, d’amitié… Une journée dans un coin du monde où la mort n’est qu’une anecdote à peine commentée, vite oubliée. Par sa narration collective, par son style aussi fluide que sobre, le roman touche à l’universel en révélant l’insupportable fragilité humaine.

Roman traduit du persan (Afghanistan) par Sabrina Nouri
15,00 €
Parution : Octobre 2020
160 pages
ISBN : 978-2-3301-3498-3
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Extrait

Paris est une fête. L’écrivain est las de cette fête ; il n’arrive plus à écrire. Il est rentré à minuit d’une soirée grotesque et n’a pas fermé l’œil de la nuit. Six heures interminables. Par deux fois il s’est couché et relevé. À plusieurs reprises, il s’est assis à sa table de travail sans parvenir à écrire le moindre mot. Il est maintenant six heures du matin et il revient vers son lit. Dehors, on entend le bruit du métro et des voitures qui passent, la rumeur des piétons ; l’écrivain est exaspéré car il a l’habitude de la solitude, du silence. Il se lève pour fermer les volets. Puis repart s’allonger.
Dans quelques instants, il sombrera dans un profond sommeil.
Une heure plus tard, dans un lieu loin d’ici où Paris n’est guère plus qu’une chimère, dans l’étrange ville de Kaboul, un matin humide d’une journée d’hiver, un jeune homme décharné sort de chez lui et se dirige vers un café de l’autre côté de la ville, au pont Rouge, pour y retrouver sa maîtresse, quand soudain une roquette s’abat sur une maison – la maison qu’il vient juste de quitter. Elle emporte pour toujours son père, sa mère, son frère et sa sœur. Pour toujours. Un incident tragique mais cependant banal, tellement banal qu’il n’en sera même pas question en route, ni dans le taxi ni au-dehors, et le jeune homme n’en saura donc rien pendant les deux heures qui suivront le drame, jusqu’à un coup de fil. Une voix brisée répète le mot sinistre : la mort.

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