Les cendres de Babylone: The Expanse 6

Auteur : James S. A. Corey
Editeur : Actes Sud

Une révolution en cours depuis des générations a commencé dans le feu. Elle finira dans le sang. La Flotte libre – un groupe de Ceinturiens versé dans le trafic de vaisseaux militaires – a fait subir des revers à la Terre et mène désormais une violente campagne de piraterie. Dépassés en nombre et sous-armés, les restes des anciennes forces politiques font appel au Rossinante pour mener la mission de la dernière chance. Le sixième volet d’un cycle devenu une célèbre série télévisée.

Traduction : Yannis Urano
11,70 €
Parution : Octobre 2020
Format: Poche
704 pages
Collection: Babel
ISBN : 978-2-3301-4099-1
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Extrait

Les rochers étaient tombés trois mois plus tôt, et Namono apercevait de nouveau le bleu du ciel. L’impact à Laghouat – la première des frappes ayant brisé le monde – avait soulevé une si grande partie du Sahara dans l’atmosphère qu’elle n’avait pu voir la lune ou les étoiles depuis des semaines. Même le disque rougeoyant du soleil luttait pour pénétrer les nuages sales. La cendre et le sable avaient plu sur le Grand Abuja et s’étaient amoncelés jusqu’à donner à sa ville une teinte jaune-gris, pareille à celle du ciel. En prêtant main-forte aux équipes de volontaires pour dégager les gravats et s’occuper des blessés, elle avait réalisé que sa toux déchirante et le mucus noir qu’elle crachait résultaient d’une trop grande proximité avec les morts.
Trois mille cinq cents kilomètres séparaient le Grand Abuja du cratère où s’était trouvé Laghouat, et l’onde de choc avait pourtant provoqué l’éclatement de certaines fenêtres, l’effondrement de certains bâtiments. Deux cents décès à travers la ville, avaient rapporté les chaînes d’information, ainsi que quatre mille blessés. Les cliniques médicales étaient surchargées. Si aucun danger immédiat ne menaçait, il était tout de même recommandé de rester chez soi.
Le réseau électrique s’était rapidement dégradé. La lumière ne venait plus alimenter les panneaux solaires, et l’air graveleux encombrait trop vite les éoliennes pour que les équipes de nettoyage puissent suivre le rythme. Le temps qu’un réacteur à fusion soit acheminé vers le nord depuis les chantiers de Kinshasa, la moitié de la ville avait déjà passé toute une quinzaine dans l’obscurité. Les serres hydroponiques, les hôpitaux et les bâtiments gouvernementaux ayant la priorité sur tout le reste, des pannes d’électricité partielles survenaient la plupart des jours. La connexion au réseau via leurs terminaux était peu fiable et ils demeuraient parfois coupés du monde plusieurs jours d’affilée. Il fallait s’y attendre, se disait-elle, comme s’il avait été possible de prévoir quoi que ce soit.
Et pourtant, trois mois plus tard, une brèche s’ouvrait dans la grisaille du vaste ciel. Tandis que le soleil rougi glissait vers l’ouest, les lumières des villes apparaissaient sur la lune à l’est, pierres précieuses dans un gisement de bleu. Certes taché, terni, incomplètement visible, mais il était bleu. Nono trouvait là du réconfort tout en poursuivant son chemin.
En termes historiques, la zone internationale était récente. Peu de bâtiments avaient plus de cent ans. Le quartier respirait l’engouement d’une génération précédente pour les larges artères courant au milieu de rues étroites et labyrinthiques, de formes architecturales sinueuses et quasi organiques. Zuma Rock surplombait les alentours, point de repère immuable. La cendre et la poussière pouvaient strier le rocher, mais pas le transformer. Nono était ici chez elle. C’était la ville où elle avait grandi et emmené sa petite famille après la fin de ses aventures. Le lieu de sa douce retraite.
Elle poussa un rire amer et toussoteux, suivi d’une simple quinte de toux.
Le centre de secours était un fourgon garé aux abords d’un parc public. Un trèfle aux feuilles imposantes ornait son flanc, le logo de la ferme hydroponique. Non pas des Nations unies, ou même de l’administration gérant la distribution du soutien basique. Les strates de la bureaucratie avaient été compressées par l’urgence de la situation. Elle savait qu’elle aurait dû se montrer reconnaissante. À certains endroits, les fourgons ne passaient pas du tout.
La couche de cendre et de poussière avait remplacé l’herbe et formait une croûte qui recouvrait les pentes douces des collines. Ici et là, des fissures et sillons irréguliers, semblables aux traces d’immenses serpents, trahissaient les endroits où les enfants, malgré les circonstances, avaient tenté de s’amuser. En cet instant, toutefois, personne ne glissait plus. Nono se plaça dans la file qui se formait. Ceux qui patientaient avec elle affichaient tous le même regard vide. Le choc, l’épuisement, la faim. Et la soif. La zone internationale abritait de larges enclaves de Norvégiens et de Vietnamiens, mais peu importait leur couleur de peau et la texture de leurs cheveux, la cendre et la misère les avaient tous rassemblés en une seule et même tribu.

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