Dream Girl

Auteur : Laura Lippman
Editeur : Actes Sud

Après une chute violente dans les escaliers, Gerry Andersen, un écrivain à succès solitaire de 61 ans, se retrouve alité dans sa tour d'ivoire avec pour seule compagnie Aileen, son infirmière de nuit. Un soir, il reçoit un étrange appel : la voix féminine au bout du fil prétend être Aubrey, l'héroïne de Dream Girl, son roman le plus célébré. Hallucine-t-il à cause de ses anti-douleurs ou est-il en train de succomber à la démence comme sa mère ? Les appels deviennent de plus en plus fréquents, et un matin, il découvre au réveil un cadavre près de son lit. Une bizarrerie parmi tant d'autres, et Gerry perd de plus en plus pied...

Traduction : Thierry Arson
22,80 €
Parution : Février 2025
384 pages
Collection: Actes noirs
ISBN : 978-2-3302-0068-8
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Extrait

Gerry rêve.
Dans son lit médicalisé de location, surplombant la ville plus haut qu’il ne l’aurait jamais cru possible dans ce Baltimore à l’architecture écrasée et sans grâce, Gerry passe plus de temps endormi qu’éveillé. Il flotte, il s’éveille, il dérive, il rêve. Il s’agite, mais il n’arrive pas à se retourner. Il est Wynken, Blynken et Nod dans le poème pour enfants, et il lance son filet sur les lumières scintillantes du centre-ville, d’une beauté trompeuse en pleine nuit, une ville où l’on pourrait choisir de vivre, mais pas dans cet endroit où il est coincé, pas la nuit, pas dans ses rêves.
Il n’y a pas de démarcation claire entre ses songes et son imagination, son demi-sommeil et son état de veille embrumé. Les engrenages de son cerveau sont grippés, il se focalise sur une pensée ou une image. Ce soir, il a l’impression de tourner, très lentement, comme le vieux restaurant au sommet du Holiday Inn. Puis il se retrouve suspendu à l’aiguille des minutes de la tour Bromo Seltzer voisine, le Harold Lloyd de Baltimore, qui glisse, glisse, glisse.
En bas, sur le trottoir, quelqu’un l’attend, bras tendus. C’est une femme, mais il ne distingue pas son visage. Il lâche prise et... il se réveille.
Vraiment ? Était-il réellement endormi, et lui arrive- t-il d’être réellement éveillé, ces jours-ci ? Il passe tout son temps dans ce lit, une jambe maintenue en suspension, avec une infirmière qui est là pour s’occuper de lui, ce qu’elle fait sans grand entrain. Mais pouvait-on s’attendre à autre chose de la part de quelqu’un dont le travail consiste à torcher le cul et vider le bassin.
Est-ce ses cachets ? Ce doit être à cause de ses cachets. Son sommeil n’a jamais été aussi chaotique. Peut-être qu’il ne devrait pas prendre tous ces cachets. Sont-ils indispensables ? Risque-t-il d’en devenir dépendant ? Aujourd’hui, les musées effacent sur leurs bâtiments les noms des donateurs héritiers du Big Pharma des opioïdes, et pourtant Gerry est là, toujours à la traîne sur son temps. Tout comme sa ville natale.

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