Made in Nigeria

Auteur : Sefi Atta
Editeur : Actes Sud
Sélection Rue des Livres

À la fin des années 1990, une famille nigériane, heureuse gagnante de la loterie de la green card, s’installe à New York. Espérant offrir un avenir meilleur à leurs deux enfants, la mère a dû forcer la main à son mari, ancien professeur et écrivain raté, réticent à l’idée de cet exil. Tandis que la dynamique Moriam trouve
rapidement un emploi d’infirmière et que leurs ados adoptent les attitudes et accents locaux, Lukmon peine à trouver sa place.
Pétri de contradictions et de préjugés, lui qui se targue d’être un infaillible détecteur de racisme est souvent pris en défaut par ses proches. Alors que son couple est mis à rude épreuve, que ses enfants lui échappent et qu’il doit revoir ses ambitions professionnelles à la baisse, il s’accroche obstinément à la seule valeur sûre qu’il lui reste : son identité d’homme nigérian. Un caisson pas si étanche, et peut-être trop exigu.
Dans ce roman bourré d’humour et d’énergie, tantôt comédie familiale explosive, tantôt satire sociale mordante, Sefi Atta – regard affûté, voix claire et railleuse – est au sommet de son talent.

Roman traduit de l’anglais (Nigeria) par Catherine Richard-Mas
24,00 €
Parution : Avril 2025
384 pages
ISBN : 978-2-3302-0351-1
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Extrait

Moi je n’étais pas chaud du tout pour venir en Amérique, mais ma femme, Moriam, si. C’est elle qui a envoyé notre candidature à la loterie du Diversity Immigrant Visa Program qui permet de gagner une carte verte. Et qui m’a ensuite convaincu de quitter le Nigeria quand nous avons appris que notre bulletin avait été tiré au sort. Moi dès le départ, j’étais sceptique – à propos de mes perspectives de boulot, déjà. Mais Moriam a tenu bon jusqu’à ce qu’elle ait fait valoir son point de vue. Je venais d’avoir quarante ans et elle n’en était pas loin. On joignait à peine les deux bouts alors que ça faisait des années qu’on travaillait. Elle était infirmière, moi directeur des relations publiques.
Comment est-ce qu’on allait payer des études secondaires à nos enfants Taslim et Bashira ? elle demandait. Et à quoi bon ? Les universités privées étaient chères, les universités d’État dispensaient un enseignement au rabais et les étudiants mettaient plus longtemps à y obtenir leurs diplômes à cause des grèves du personnel fonctionnaire.
Moriam savait s’y prendre avec moi. J’avais enseigné quelque temps la littérature dans une université d’État à Lagos et j’aurais volontiers continué. Mais à la fin des années 1980, j’avais pris un emploi dans une banque parce que c’était le seul domaine du secteur privé qui me permettait de gagner un salaire correct.
J’y étais responsable des communiqués de presse et autres diffusions externes. Je crevais d’ennui dans la routine quotidienne de ce boulot mais ma paie faisait le bonheur de Moriam. À l’hôpital militaire où elle travaillait, les infirmières traversaient l’Atlantique dès qu’elles pouvaient se payer un billet d’avion et un visa. Elles tenaient des réunions de prière pour gagner à la loterie de la carte verte. Son statut de fonctionnaire d’État lui assurait une certaine sécurité de l’emploi et nous vivions dans un trois-pièces dans la partie continentale de Lagos. Qu’est-ce qui se passerait quand elle prendrait sa retraite ? poursuivait-elle.
Comment est-ce qu’on paierait notre loyer ? Elle devrait mendier pour toucher sa pension, comme tous les employés de l’État.
Quant à moi, j’étais sûr de perdre mon poste dès que j’atteindrais un certain âge et je n’avais pas d’autre compétence qu’un talent d’écriture. Non, reprenait-elle, il n’y avait pas d’avenir pour nous au Nigeria. Si nous restions là, nous finirions pauvres.

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