Valence rouge
"le porno, c'est de la culture", malgré son thème engageant, le 1er festival de cinéma pornographique qui se déroule à Valence suscite une grande controverse dans la ville. Les esprits sont loin de s'apaiser quand le cadavre de son organisateur est retrouvé dans une mise en scène particulièrement grotesque. Ce polar nerveux et étonnant traite de la violence faite aux femmes aussi bien dans la sphère conjugale que dans le milieux dégradant de la pornographe, ainsi que du danger de la banalisation d'images inappropriées auprès d'enfants de plus en plus jeunes.
Extrait
Les premières fois, le maître me mettait le couteau sous la gorge. À présent il me suffit de le voir sur la table pour comprendre.
Je prenais ça pour une punition au début, le prix à payer pour mes actes. Comme une peine supplémentaire, une sorte d’œil pour œil qui s’ajoutait au reste. Avec le temps j’ai appris que c’était autre chose, une hiérarchie dans laquelle ma place était en dessous. Une histoire de domination, oui, c’est bien
ça.Aujourd’hui j’ai cessé de me battre. Je me laisse faire dans un acte de soumission totale. J’ai compris quel était mon rôle dans ce jeu où, pour survivre, je dois séparer l’âme du corps.
Un filet de lumière jaunâtre filtre de la fenêtre à ma droite. Il ne m’en faut pas plus, je connais cette cellule par cœur. Je suis là depuis si longtemps que le temps même s’évanouit, et chaque jour ressemble à la veille. Ça sent la sueur, l’urine et la peur, ma propre peur. Je ne sais pas si je sortirai d’ici vivant, mais si j’y arrive, je ne serai plus jamais le même. Je me sens incapable de me reconnaître dans la personne que j’étais, tout en elle me répugne. Je ne sais même plus qui je suis en réalité.
Le couteau m’observe depuis la table sale et ébréchée, je le regarde à mon tour. En fait de couteau, c’est une sorte de pointe bricolée, un manche de brosse à dents surmonté de lames de rasoir. Les trous au centre des lames ressemblent à des yeux, des yeux qui me scrutent et me dépouillent de toute valeur.
Je sais ce que je dois faire.
Je sens l’haleine fétide contre mon oreille puis cette douleur qui me déchire de part en part ; ce n’est pas seulement mon corps qu’on met en pièces, mais aussi mon âme, ma dignité et mon existence.