De plus loin que la nuit

Auteur : Alexandra Connor
Editeur : Archipoche Editions

Comme les meilleurs romans, les fem­mes d'exception laissent dans le coeur de ceux qui les ont connues un souvenir vivifiant, qui pousse à entreprendre, à conquérir, à vaincre. Ainsi, Ruth Gordon, l'héroïne de ce livre.

Issue d'un milieu modeste, Ruth croit trouver le bonheur en épousant Derek.
Un bébé qui s'annonce, une maison dans un joli quartier... le hasard ferait bien les choses. Hélas, Derek meurt soudainement. Le désespoir submerge Ruth. Il lui faudra faire appel à toute sa volonté pour prendre sa revanche sur le destin.

C'est l'histoire de ce défi qu'Alexandra Connor conte dans De plus loin que la nuit avec plus de passion, plus d'émotion que jamais.

8,65 €
Parution : Août 2007
Format: Poche
433 pages
ISBN : 978-2-3528-7050-0
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Extrait

Il pleuvait. L'eau ruisselait du toit et giflait les vitres à chaque rafale de vent. Le ciel était si sombre que, dans les classes, il avait fallu allumer les lumières dès quinze heures. Le menton au creux de la main, Ruth regardait par la fenêtre : cette pluie ne finirait donc jamais ! Dans sa boutique, sa mère devait elle aussi regarder tomber l'averse. Ruth n'avait aucun mal à imaginer l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait : mauvais temps pour les affaires, les gens restent chez eux au lieu de sortir faire des courses. La boutique de la modiste, à l'angle d'Union Street, était sûrement déserte.
«Elle doit être en train de nettoyer ses tiroirs, d'épousseter des vieilleries ou de refaire sa vitrine. Quand la jour­née sera terminée, elle tirera le store jaune», se dit-elle.
- Ruth Gordon ! Encore en train de rêver ! L'écolière revint brusquement à la réalité :
- Pardon, mademoiselle Kemp.
- Inutile de demander pardon ! s'emporta la maî­tresse. Apprenez plutôt à vous maîtriser !
Peinée, Ruth hocha la tête sans mot dire.
- Comprenez-vous ce que je dis ?
- Oui, mademoiselle Kemp.
- En êtes-vous sûre ? C'est très important, vous savez.
Ruth fixa sa maîtresse sans ciller, tout à fait consciente du fait que celle-ci ne supportait pas d'être dévisagée ainsi.
«Je sais parfaitement ce que vous voulez dire, clamait ce regard insolent, et cela m'est égal.»
- Je comprends, mademoiselle Kemp. L'institutrice, écarlate, battit en retraite et reprit sa leçon. Mile Kemp avait été la première personne que Ruth détestât. Elle haïssait ses façons autant que son apparence : cette chevelure à l'improbable couleur crème, sur un visage d'un blanc laiteux. Ruth se rendait compte que son institutrice était à peine plus âgée qu'elle et n'en avait que plus de mal à la prendre au sérieux. Quant à Mlle Kemp, elle avait vite compris que cette élève-là était rancunière et têtue.
Ruth avait treize ans quand elle était entrée dans la classe de Mile Kemp, et quatorze quand elle en sortit : tout ce qu'elle avait appris, elle aurait pu le trouver dans un bon choix de manuels scolaires et sans perdre autant de temps. Sa mère savait que Ruth rencontrait des difficultés à l'école, mais elle n'avait guère poussé ses investigations tant elle était surmenée.
- Tu as passé une bonne journée, Ruth ? se conten­tait-elle de demander régulièrement.
- Oui.
- Tout va bien ? insistait la jeune femme en déballant ses courses.
Un numéro du Oldham Chronicle constellé de gouttes de pluie gisait, ce soir-là, sur la table de la cuisine.
- Oui, oui, tout va bien.
La mère se redressa et toisa sa fille.
- Tu en es sûre ?
- Mais oui, sinon, tu sais bien que je te le dirais, répondit Ruth en parcourant le journal.
Elle savait que sa mère se contenterait de cette réponse.
Dès sa naissance, Ruth avait connu la pauvreté : toute petite, elle pleurait lorsqu'on l'entraînait au petit matin à travers les rues sombres : sa maman, qui devait se rendre à son travail, la déposait chez sa grand-mère. Son père, Jack Gordon, était employé par la municipalité d'Oldham : il ne ménageait pas sa peine et accumulait les heures sup­plémentaires mais ses revenus étaient toujours insuffisants. Sa femme était donc obligée de les compléter. Consciente de ses responsabilités, Liliane travaillait dur au magasin. Pour joindre les deux bouts, il lui arrivait d'accepter, en plus, de menus travaux. Ruth mit longtemps à comprendre la situation de sa mère : comment expliquer à une enfant pourquoi on l'enroulait dans une couverture pour l'emmener dans une maison glaciale, de l'autre côté de la ville ? Si Ruth avait osé, elle aurait demandé à rester chez grand-maman Price, dans sa petite maison de Mapleshaw Road : là, au moins, elle pouvait demeurer bien au chaud au coin du feu, le chat sur les genoux. Mais elle ne posait jamais de questions à Liliane qui, tous les soirs, l'éveillait pour la ramener chez eux. Ruth se remémorait aisément le froid de la nuit sur son visage et l'humidité de la couverture contre sa peau. Quand ils arrivaient à la maison, le feu était éteint et le sifflement de la bouilloire berçait ses premiers rêves.

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