Guillotine sèche

L'histoire vraie qui a inspiré Papillon
Auteur : René Belbenoit
Editeur : Manufacture de livre éditions

René Belbenoît a vingt-deux ans quand il est condamné pour vol aux travaux forcés en Guyane. Au bagne, il mutilplie les tentatives d’évasion. Traité de plus en plus durement, acharné dans sa quête de liberté, il parvient enfin à ses fins. Suivra une cavale de vingt-deux mois, en pirogue, à cheval, à pied, à travers mers, jungles, fleuves et montagnes, avant de réussir à gagner clandestinement les États-Unis.
Guillotine sèche est le récit de cette incroyable aventure qui a déjà séduit plus d’un million de lecteurs et inspira les célèbres roman et film Papillon.

7,90 €
Parution : Avril 2019
346 pages
ISBN : 978-2-3588-7384-0
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Extrait

Emportée par la queue d’une tornade, telle qu’il en sévit dans la mer caraïbe, une frêle pirogue indienne avait gagné l’île de La Trinité.
À bord, selon le Trinidad Guardian, se trouvaient six Français affamés et presque submergés, six fugitifs qui, après dix-sept jours de navigation sur une mer démontée, avaient réussi à s’échapper de l’île du Diable, la colonie pénitentiaire de la Guyane française. Poussés par la curiosité, plusieurs colons anglais et moi-même, nous descendîmes jusqu’aux casernes pour voir les évadés. Ils n’étaient pas en état d’arrestation. Dans chaque Anglais, si loin soit-il de sa terre natale, il y a quelque chose de « sportif » et le commandant du port traduisit l’opinion générale (sauf celle du consul de France) en déclarant : « Je n’ai pas l’intention de livrer ces pauvres gens au consul de France. Qu’il s’en arrache les cheveux si ça lui fait plaisir ! La Guyane française est une des hontes de la civilisation. Nous donnerons de quoi manger à ces évadés, nous leur trouverons un endroit où ils pourront se reposer, nous leur procurerons un meilleur bateau et nous les laisserons tenter de nouveau leur chance. » Dans une pièce vaste et confortable, six hommes nous accueillirent avec des sourires pathétiques. Cinq d’entre eux étaient grands et taillés en hercules. On aurait pu les prendre pour des champions de boxe, des bûcherons canadiens ou des soldats de la Légion étrangère. Par la puissance de leurs muscles, par leur façon de vivre, par leur mentalité, c’étaient de véritables brutes.
Le sixième, au contraire, surprenait par sa petite taille. Très mince, il mesurait à peine un mètre cinquante et pesait moins de quarante kilos. Mais dans ses yeux luisait un feu, attisé, ainsi que je devais l’apprendre, par quinze années de mort vivante, par quatre tentatives d’évasion manquées, par un désir presque forcené de réussir la cinquième ou d’y laisser sa peau. Son seul bien consistait en un paquet emballé dans une toile cirée et renfermant treize kilos de feuillets couverts d’une écriture serrée : le récit détaillé de quinze ans de bagne, la biographie la plus extraordinaire, le document le plus étonnant qu’il m’ait jamais été donné de voir sur le crime et son châtiment. Après avoir lu un certain nombre de chapitres, je me mis à bavarder avec cet homme. Je brûlais d’obtenir des renseignements sur son passé. Né à Paris le 4 avril 1899, René Belbenoit, à l’âge de vingt et un ans, était parti pour l’exil dans la plus célèbre colonie pénitentiaire du monde civilisé. Cela ne me suffisait pas. J’étais frappé par le fait que René Belbenoit ne correspondait nullement à l’image que je me faisais d’un criminel, d’un forçat. Étape par étape, je retraçai son histoire, je remontai à son enfance, cherchant l’entrée du chemin qui l’avait conduit au fond de cet enfer. Certains enfants deviennent plus tard des hommes à qui tout réussit, d’autres deviennent des épaves. Pourquoi ? Papa Belbenoit, qui se maria sur le tard, était un brave homme, un très brave homme, me confia son fils. Il n’était pas peu fier d’avoir accédé, après de longues années de services, au poste de mécanicien en chef de la Compagnie du Paris-Orléans. Trois mois après la naissance de René, sa jeune femme, abandonnant mari et enfant, partit pour la Russie comme gouvernante dans la famille du Tsar. Elle estimait que le père de René faisait preuve de trop peu d’ambition en refusant un avancement qui l’eût enlevé au rapide qu’il aimait, au plaisir de le conduire avec une régularité d’horloge.

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