Maître des eaux

Auteur : Patrick Coudreau
Editeur : Manufacture de livre éditions
En deux mots...

Vengeance, traque, nature presque magique et amitié qui se construit envers et contre tout : un premier roman poétique et surprenant !

16,90 €
Parution : Janvier 2020
212 pages
ISBN : 978-2-3588-7592-9
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Présentation de l'éditeur

Au village, on disait de cette famille qu'elle était étrange, que l'eau leur obéissait et que les catastrophes arrivaient par eux. Puis il y eut l'incendie et tout rentra dans l'ordre. Aujourd'hui, le fils est revenu avec l'envie de régler ses comptes. Il a amené la pluie qui ravage tout, car lui aussi, dit-on, sait converser avec l'eau. Maintenant, voulant se faire oublier, il se cache au coeur de la nature, quelque part non loin d'ici, et une gamine a décidé de lui venir en aide. Mais pour les hommes du village, la traque est ouverte et ne s'arrêtera que quand cette affaire sera définitivement réglée...
Avec ce premier roman qui se lit d'une traite, Patrick Coudreau nous invite dans un univers littéraire plein de suspense, de poésie et de magie.

Extrait

Mathias Grewicz enrage. L’inondation a tué des bêtes, détruit des cabanons dans les jardins en contrebas du village, endommagé une poignée de maisons, mais pas un seul habitant n’y a laissé la peau. Ce n’est pas ce qu’il a demandé au ciel lorsqu’il lui a parlé l’autre soir. Non, il lui a dit : « Raye Brissole de la carte et tous les salopards qui y vivent bien au chaud. Épargne seulement ceux qui ne sont pour rien dans ce qui s’est passé. » Il était certain d’avoir été entendu puisqu’à ce moment-là le vent s’est levé et a soufflé de plus en plus fort. Sa manière à lui d’acquiescer. Mathias le connaît, depuis le temps. Pendant des années, il a partagé ses humeurs, ses colères, ses jeux de gosse. C’était lorsqu’il allait de ville en ville à travers le pays, empruntant des chemins sinueux, s’enfonçant dans des bois touffus, comme une bête qui essaie d’échapper aux chasseurs. Et aujourd’hui, ils sont là. Il les voit s’approcher, leurs silhouettes grandir, portées par des cris de haine : « Gréviche, on va te faire la peau ! » ; « Tu peux te planquer, on finira bien par te mettre la main dessus ! » Des rires fusent, puis les menaces reprennent : « Nom de Dieu de Gréviche ! C’est à cause de toi, on le sait, que toute cette eau a ravagé le village cette nuit ! T’as intérêt à bien te cacher, parce qu’on va pas te louper, sale bête ! » Démon, barbaque, ou encore rat crevé : voilà les insultes auxquelles Mathias a eu droit dès le lendemain de son arrivée à Brissole, sans parler de son nom à qui on a tordu le cou pour en faire Gréviche, ou bien encore Grévisse, lequel a glissé vers Écrevisse.
Quoi ! Mathias Grewicz osait remettre les pieds à Brissole ? Qu’est-ce qu’il voulait ? Prendre la succession de son salopard de père peut-être ? Élever des chèvres, des vaches d’une race remise au goût du jour, des chevaux peut-être, ou bien encore des bisons, allez savoir avec un revenant de ce genre ! En inventant au passage une méthode moderne – autant dire déloyale – pour concurrencer ceux qui travaillent de manière honnête. Fallait croire qu’il n’avait pas compris la leçon qu’on avait donnée à sa famille. C’avait été une belle raclée, pourtant ! On pouvait pas plus belle, enfin, façon de parler, mais ils l’avaient bien cherchée, ces malfaisants. Ce qu’ils avaient fait, c’était pas pardonnable, c’était même pas possible de l’envisager une seconde, fallait vraiment être un Grewicz pour ça. Une sale race, une engeance maudite, ni plus ni moins. Il y avait combien de temps de ça, au juste ? Quinze ans, peut-être plus, vingt. Oui, c’est ça, les mémoires se sont remises en marche, vingt ans et une poignée de mois ; on est en avril, le mois idéal pour reprendre les choses en main, sceller les sorts.
Il s’en était tiré, mais cette fois, on ne va pas le rater, le fils Grewicz. Il a pas dû comprendre à l’époque – quel âge il avait ? Onze, douze ans – qu’à Brissole, il n’y avait pas de place pour les gens d’ailleurs, les étrangers et tous ceux qui leur ressemblent, immigrés et compagnie. On a déjà suffisamment de mal à faire manger les gens d’ici. À vivre de sa terre, de ses bêtes, sans qu’on soit enquiquinés par d’autres, qui ont des façons de faire par en dessous, qui se paient le luxe d’avoir du matériel qu’ils vont chercher le diable sait où, et avec quel argent. On l’a vu renifler du côté où il vivait avec ses parents, et le vieux, l’ancêtre, qui rôdait toujours où il ne fallait pas, l’oreille traînante et bonne rapporteuse. Parole, il veut remettre ça, y a pas de doute.

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