Bretzel & beurre salé - Tome 2: Une pilule difficile à avaler

Auteur(s) : Margot Le Moal, Jean Le Moal
Editeur : Calmann-Lévy

Locmaria, tranquille petite station balnéaire ? Cathie Wald commence sérieusement à en douter quand elle découvre sur la plage proche de sa maison un cadavre rejeté par la mer.

Il n’en faut pas plus pour relancer les rumeurs les plus folles à propos de notre joyeuse quinquagénaire : après tout, avant l’arrivée de Cathie il n’y avait jamais eu de mort suspecte ici. De plus, n’est-il pas curieux que son arrivée coïncide avec un tout nouveau trafic de drogue ?
Et voilà la machine à ragots qui s’emballe.
Quand les forces de l’ordre arrêtent un proche de Cathie et qu’elle-même subit des menaces, elle n’a plus d’autre choix que d’enquêter. Aidée par des amies enthousiastes et par Yann, le journaliste secrètement amoureux d’elle, elle va affronter des ennemis sans scrupule. Et leur montrer que rien ne peut faire plier une Alsacienne à la tête d’une troupe de Bretons !

14,00 €
Parution : Juin 2021
396 pages
ISBN : 978-2-7021-8281-9
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Extrait

Le Galaad

Les étoiles tapissaient le ciel de cette nuit d’été, veillant sur l’océan endormi. Endormi ? Pas totalement, car au large d’un village breton, à quelques milles de la côte, un yacht glissait doucement sur les flots. Un rayon de lune attrapait par instants les chromes impeccables du luxueux navire.
Sur le pont du Galaad, une table était couverte des restes d’un repas. Les cadavres de bouteilles côtoyaient les reliefs d’un buffet qui avait fait la part belle aux produits de la mer. Si l’alcool peut délier les langues et créer des conditions de convivialité, il a aussi la capacité d’exacerber les passions et les colères. Cette nuit-là, il avait sans hésitation choisi la seconde option. Plusieurs silhouettes gesticulaient, et les voix avinées montaient dans les cieux finistériens.
— T’as essayé de nous baiser, fils de pute !
La boule à zéro et un tee-shirt sans manches moulant un ventre qui avait ingurgité trop de bière, l’homme furieux attrapa son adversaire qui se dégagea violemment de l’étreinte.
— J’ai rempli le deal ! Tu m’as demandé d’écouler ta came et d’en tirer au moins vingt mille euros. C’est ce que j’ai fait. Alors tu me lâches, connard ! se justifia le passager agressé.
Un troisième individu s’approcha. Plus âgé, cheveux longs et veste blanche à franges d’une autre époque. Il saisit brusquement le type mis en cause.
— C’est pas bien de manquer de respect au boss, minot !
Le minot en question tenta à nouveau de se libérer, mais la poigne le maintenait contre le bastingage.
— Qu’est-ce que vous avez à me casser les couilles ? Je lui ai pas manqué de respect. Je t’ai rapporté les vingt mille balles, Doumé.
— C’est vrai, minot, reprit le dénommé Doumé d’une voix calme. Mais tu vois, on est repassé derrière toi.
L’obscurité ne cacha pas l’expression d’angoisse qui se dessinait sur le visage du minot.
— On est repassés derrière toi, et on s’est rendu compte que tu t’étais fait une petite marge sur les ventes. Tu t’es tranquillement mis cinq mille balles dans les poches en pensant qu’on verrait rien.
Il se tut, et le murmure de la mer parut soudain assourdissant.
— Tu connais la règle, minot. Ton boss t’a offert sa confiance, mais il fallait en être digne. Pas vrai, Jacky ? souligna-t-il se tournant vers son acolyte au tee-shirt sans manches.
— J’ai respecté le deal, insista l’autre en se débattant et en balançant ses pieds et ses poings dans tous les sens.
Surpris, Doumé relâcha sa prise et ne put éviter l’uppercut de son adversaire excité par la rage et la peur. Les deux brutes maîtrisèrent le forcené en le rouant de coups.
— Qu’est-ce qu’on en fait ? interrogea Doumé en s’adressant aux deux personnes restées à l’avant du bateau.
Rapide conciliabule, puis une voix lâcha la sentence :
— Jordan, je t’ai offert une occasion unique de te sortir de tes petites magouilles, de devenir quelqu’un. Et toi, tu as trahi ma confiance !
— Pardon, supplia Jordan maintenu à genoux. J’ai été tenté, mais je vous promets que je vais tout vous rendre. J’ai retenu la leçon. Vous allez voir, je vais déchirer !
— Non, Jordan, tu ne vas pas déchirer. La chance ne passe qu’une fois. Et là, non seulement tu l’as laissé passer, mais tu vas servir d’exemple. Adieu, Jordan, et ne considère pas que ta mort me fera plaisir !
La sentence mit quelques secondes à atteindre le cerveau du jeune homme. Il hurla en comprenant que sa vie prendrait fin sur ce yacht luxueux à cause de quelques milliers d’euros. Doumé le fit taire d’un violent coup de poing et, sans état d’âme, les deux truands le basculèrent par-dessus bord. Un plouf… puis le corps s’enfonça comme une pierre dans les eaux noires. Doumé examina sa veste à franges, furieux.
— Putain ! La même veste que celle de Johnny pendant son concert de 1979 à Paris. J’ai mis des mois pour dénicher ce trésor à Aix, et ce con a réussi à m’arracher des franges !
— Allez, vai, le calma l’individu qui n’avait pas encore ouvert la bouche. On va déboucher une bouteille de Dom Pérignon pour fêter notre coopération. Te gâche pas le gosier pour trois lanières de cuir.
Amateur de champagne dans l’âme, Doumé apprécia la nouvelle à sa juste valeur et se dirigea vers l’avant du bateau.
— Un Dom Pérignon, ça se refuse pas… mais quand même, merde, la même veste que Johnny !

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