Renouer avec la France des Lumières

Auteur : Stéphane Le Foll
Editeur : Calmann-Lévy

Chacun porte en soi une partie de l’histoire de France avec ses territoires, ses singularités, ses invariants et ses rêves. Pourtant, de nombreux Français ne se sentent plus associés à ce destin collectif et les élections ont été marquées une nouvelle fois par l’abstention. La gauche et l’écologie ne parlent plus à la classe insécurisée, celle qui a peur pour l’avenir de ses enfants, celle qui peine au quotidien.
Dans cet essai, Stéphane Le Foll fait le constat d’une gauche qui s’est éloignée de ceux qu’elle est censée représenter. Mais cette fracture sociale n’est pas inéluctable et, pour cela, l’auteur fait le choix du progrès plutôt que de la sobriété, et propose de penser l’avenir à travers une stratégie fiscale et économique tournée vers un nouveau modèle de croissance – une « croissance sûre », basée sur l’innovation et l’investissement vert. Pour ne pas disparaître dans les abîmes de l’histoire et renouer avec nos Lumières, il propose aux socialistes de retrouver un lien indéfectible avec les Français et d’ouvrir une nouvelle page pour une France durable.

18,00 €
Parution : Septembre 2021
288 pages
ISBN : 978-2-7021-8451-6
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Extrait

Les dernières élections ont sonné le glas d’une gauche unie, sans réel projet commun, et tout a reposé sur les sortants socialistes comme aux municipales. Malgré la multitude d’appels à se rassembler, elle a fini divisée, laissant la voie libre à la droitisation du pays, à une future bipolarisation du débat présidentiel, avec un Rassemblement national fort et une République en marche qui a redressé sa situation après des municipales calamiteuses. Qu’est-ce qui explique une telle situation, si ce n’est la confusion et l’inadaptation de l’offre politique proposée par la gauche dans un contexte rendu plus difficile par la crise sanitaire ?
À l’occasion de l’anniversaire du 10 mai 1981, le Parti socialiste s’est effacé. Je ne m’y résous pas. Je cherche dans cet essai des causes et des explications à cet échec pour tenter d’offrir un nouvel espoir. Socialiste de cœur et de raison, je pense que les Français peuvent être durs dans leurs jugements, mais justes si l’on prend le temps de s’expliquer.
Malheureusement, dans cette période où ils ont subi les affres de la pandémie, les difficultés du quotidien, pour certains de nos concitoyens, s’accumulent depuis longtemps. L’expérience d’Emmanuel Macron depuis quatre ans pèse, mais la donne politique a bougé. La société aussi.
Dans cette France d’aujourd’hui où la violence s’accroît et où chaque individu se projette ou s’interroge sur son propre destin, il me semble que le pays de l’existentialisme est devenu, insensiblement et pour une partie, celui de l’essentialisme. En effet parmi les causes de lutte, dans ce monde connecté d’aujourd’hui, on cloisonne les problèmes sans prendre en compte les interactions, les imbrications au sein de ce que l’on doit appeler un néopopulisme. Cette manière d’appréhender l’histoire est inhérente à la droite, et surtout à l’extrême droite, ce qui explique sûrement que ces idées se répandent dans la vie politique en France, avec un pessimisme et un rejet des institutions sans équivalent en Europe. Mais, plus inquiétant encore, la gauche française subit cette perte de repères liée à une société qui a bougé très vite, et pour certains trop vite. Cette gauche qui devrait comme toujours rattacher les choses, créer du mouvement et parler de progrès, est tombée dans le panneau de l’identitaire, du souverainisme, du « dégagisme », du pessimisme, avec un néomalthusianisme qui accompagne une écologie comportementaliste. Ainsi, face à l’éclatement social, la recherche des causes de discrimination ou d’humiliation s’ajoute pour porter non pas une idée du progrès ou la défense de valeurs universelles, mais des idées de lutte dans une réinterprétation anglo-saxonne de la déconstruction française des enjeux et des discriminations sociales des couches populaires. La gauche française a perdu son âme dans ses batailles intestines et trouve, pour la gauche de la gauche et certains écologistes (à la différence des Grünen en Allemagne), un sens à vouloir faire disparaître la social-démocratie. C’est même pour certains la lutte finale. Mais en lâchant l’universalisme et l’idée de progrès, toute cette gauche qui vocifère, qui trépigne en regardant les sondages qui donnent un deuxième tour Le Pen-Macron n’a pas compris qu’elle se perdait aux yeux de ceux-là mêmes qu’elle voudrait représenter.
Il existe ainsi une logique identitaire, victimaire, qui ne peut que conduire à entretenir les ressentiments individuels. La faute est toujours de la responsabilité des autres, du système, dans un champ psychologique et idéologique qui devient celui de « l’irréconciliable ». Quand l’histoire et le passé sont invoqués pour justifier les inégalités du présent, il n’y a plus d’espace pour la mémoire conciliatrice. Il n’y a plus que des assignations identitaires essentialistes. Je propose d’abord et au contraire de soutenir et de porter la ligne de tous ceux qui, comme Pierre Nora, ont souhaité la conciliation des mémoires, d’encourager un travail d’explication afin de reconnaître nos fautes pour mieux les dépasser et continuer à vivre dans nos diversités en s’acceptant. Les duels identitaires sont des duels perdus d’avance, ils ne peuvent se terminer que dans l’affrontement et la haine. Cela ne doit pas et ne peut pas être la gauche.
Car dans le contexte de doute et de brouillard qui est le nôtre, nous voilà également renvoyés à notre sort d’homme sur Terre, qui conduit certains à basculer, comme l’avait prédit André Malraux, dans un XXIe siècle religieux, ou plutôt spirituel, avec – l’histoire nous l’a pourtant souvent rappelé – le risque des violences, des incompréhensions et des dogmes qui s’affrontent sans compromis possibles. Le terrorisme en est l’expression ultime, qui mélange la haine et la vengeance dans le passage à l’acte le plus barbare, comme si tuer ne suffisait même plus. Depuis plus de vingt ans, les attentats nous poussent, nous les démocrates et républicains, à réaffirmer et à défendre les valeurs qui fondent notre République : la laïcité, la liberté de conscience, d’expression, d’entreprendre, l’égalité des hommes et des femmes, la fraternité et le respect pour les conditions du vivre-ensemble.

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