Lupita

Auteur : Marie-Sabine Roger
Editeur : Calmann-Lévy

Joseph est âgé, il vit avec la petite Lupita dans leur modeste appartement, en compagnie des souvenirs précieux qu'il garde de sa famille, du Prodigieux Petit Théâtre créé par son grand-père, et d'Alba, son grand amour.

Tous les jours il arpente les trottoirs, fouille les poubelles à la recherche d'objets abandonnés, de matériaux divers qu'il transforme, dans le secret de sa chambre.

Un soir, de retour d'une de ses expéditions, il trouve la fillette de sa voisine assise sur les marches du palier du troisième. La nuit tombe. Il fait froid.

À contrecoeur, Joseph lui propose d'attendre sa mère chez lui. Il laisse ainsi entrer dans sa vie ce tendre duo mère-fille, au risque de bouleverser le fragile équilibre de ses jours avec Lupita.

D'une écriture sensible et poétique, Marie-Sabine Roger évoque avec une grande beauté une forme d'attachement, hors des liens du sang.

18,00 €
Parution : Mars 2025
176 pages
ISBN : 978-2-7021-9143-9
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Extrait

Il s’appelle Joseph Chaland.
Il habite depuis longtemps dans un des petits immeubles anciens qui bordent l’avenue.
Il glane sur les trottoirs, pioche dans les poubelles toute une collection de rougnes abandonnées, de roupilles. De bribes.
Il ramasse et cueille à l’estime, moissonne minutieusement – pas dans les sacs d’ordures, jamais, le dessus des bacs seulement – sans savoir à l’avance à quoi lui serviront ce vieux bougeoir cassé, ces restes de pelotes de laine ou cette ceinture en faux cuir.
Il revient souvent les mains vides.

Il part sans but particulier, jamais très loin ni très longtemps. Ses jambes et son dos ne le permettent plus. En été, il évite les moments de trop forte chaleur. Il se calfeutre. Le reste du temps, il est imprévisible, y compris pour lui-même. Il ne se plie jamais à des horaires fixes, à un trajet précis, aux routines, ni aux contraintes.
Il a passé l’âge de ça.
Il garde les yeux rivés sur les bords du trottoir. Pour ne pas tomber, ne pas passer non plus à côté d’un trésor. Du bout de sa canne, il trie, choisit, exclut, écarte.
On s’est habitué à lui, dans le quartier. Certains l’appellent le Marin, à cause de son bonnet de laine enfoncé au ras des sourcils. D’autres l’ont surnommé le Vieux.
C’est tout ce qu’on sait à son propos ; pour le reste, quelle importance ? Chacun ses problèmes, après tout. Il est un peu étrange, sans doute – il n’est pas le seul à l’être, ici –, mais pas méchant. Sûrement pas. Les commerçants diraient de lui qu’il est poli, pas bien bavard.
Bonjour – Merci – Au revoir.
Qui se soucierait de savoir ce qu’il peut faire de toutes ces vieilleries, ces rebuts de brocante ?

Joseph se satisfait de cette indifférence, cet anonymat confortable. Il se fond dans le décor, se dissout dans le quotidien. C’est à douter, parfois, qu’il existe vraiment. Ça lui convient.

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