Désamorcer l'islam radical

Ces dérives sectaires qui défigurent l'islam
Auteur : Dounia Bouzar
Editeur : Editions de l'Atelier

L'hostilité à l'islam et aux musulmans se répand. Cette attitude n'est plus l'apanage du Front National. Peu à peu la thèse selon laquelle cette religion serait « par essence » incompatible avec la démocratie et foncièrement archaïque devient monnaie courante. L'islam serait envahissant.
En réponse, les musulmans se sentent stigmatisés et discriminés. Entre ces deux discours, des femmes et des hommes de bonne foi cherchent à comprendre pourquoi de plus en plus de jeunes ont besoin de mettre « leur islam en avant ». Dans ce climat, créer du lien et faire société ensemble devient en plus difficile.
Comment sortir de ces peurs qui s'alimentent les unes les autres et y voir plus clair ?

Anthropologue, Dounia Bouzar entreprend dans cet ouvrage de sortir des amalgames tenaces qui assimilent l'islam radical à la pratique ordinaire des musulmans de France. En partant de faits précis, elle décrit minutieusement les pratiques sectaires des nouveaux mouvements musulmans et démystifient leur référence fantasmée à un islam originel et pur.
Son analyse permet d'en finir avec l'idée selon laquelle ces adeptes de l'islam seraient les plus fervents des musulmans alors que leurs pratiques conduisent à la violence, au mépris de la femme et au contrôle paranoïaque de la sexualité. Ce livre donne ainsi des repères indispensables pour sortir du cercle où les partisans de l'islam intégriste et ceux qui prétendent que la religion musulmane envahit la France alimentent leur polémique sur fond de refus de la démocratie.
Sortir de la confusion où l'on instrumentalise l'islam est indispensable pour la construction d'un vivre ensemble qui implique le mélange des citoyens de toutes convictions et convictions.

20,00 €
Parution : Janvier 2014
224 pages
ISBN : 978-2-7082-4264-7
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Extrait

Extrait de l'introduction

Le 22 mai 2013, un homme tuait à la machette un autre homme en pleine rue de Londres en criant «Allah Akbar !» Quelques jours plus tard, à 8 h 30 du matin, le philosophe Michel Onfray déclarait tout naturellement dans le studio de Jean-Jacques Bourdin que «deux cent cinquante versets du Coran justifient le djihad» contre les juifs et les chrétiens. Jusqu'alors, entendre les journalistes critiquer le mutisme des musulmans m'agaçait. Pourquoi devrions-nous rendre des comptes sur la manipulation de notre religion ? Toutes ces horreurs n'ont rien à voir avec nous... Mais là, en lisant les commentaires des internautes qui tous remercient Michel Onfray de «dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas», j'ai changé d'avis. Il est temps que la majorité silencieuse des musulmans se fasse entendre sur sa manière de comprendre et d'appliquer sa religion. Il est temps aussi que l'on se demande où mettre le curseur entre l'islam et le radicalisme, sans avoir peur d'être musulmanophobe.
Depuis dix ans, j'écoute des hommes et des femmes de référence musulmane se plaindre d'être au mieux mal compris, au pire discriminés. En face, j'écoute des hommes et des femmes de référence chrétienne ou juive, athées, agnostiques ou indifférents, se plaindre d'être «envahis par l'islam». Au milieu, se débattent quantité d'hommes et de femmes qui cherchent à comprendre pourquoi de plus en plus de jeunes mettent autant «leur islam en avant». Dans les quartiers, les entreprises, les collèges, etc., il devient de plus en plus difficile de faire du lien et de désamorcer ces sentiments symétriques de persécution. Leur montée en miroir commence à me faire peur.
De nombreux discours politiques, à l'initiative du Front National, ont instrumentalisé l'islam pour diviser les Français. Ils ont persuadé l'opinion publique, à la grande joie des radicaux musulmans, que l'islam serait une religion particulière, qu'il y aurait «eux» et «nous».
D'un côté, certains discours estiment que l'islam est par essence archaïque, incapable de la moindre évolution face à un Occident par essence moderne qui aurait tout inventé. De l'autre, certains estiment que l'islam a tout inventé, face à un Occident qui aurait juste «copié sur le Coran». Vision du monde bipolaire partagée par deux discours radicaux, anti-islam et pro-islam, qui se nourrissent mutuellement.
Chacun a besoin de la haine de l'autre pour justifier son existence et ses idées. Les radicaux musulmans se nourrissent des déclarations musulmanophobes pour prouver l'existence d'un complot contre l'islam, ce qui montre à quel point ils détiennent «la Vérité». Plus ils accentuent leur visibilité pour marquer leur supériorité, leur pureté et leur différence vis-à-vis de la «société païenne», plus ils illustrent la théorie du Front National selon laquelle l'islam serait par essence une religion incompatible avec les valeurs républicaines. Plus il y aura de musulmanophobes, plus il y aura de radicaux musulmans - et vice versa. Ils donnent l'illusion de se combattre, mais ils s'alimentent mutuellement.
Pour les démocrates, il s'agit donc de désamorcer cette vision bipolaire qui dresse les uns contre les autres. Je reconnais que la posture des décideurs et des acteurs sociaux n'est pas facile : l'augmentation du nombre de déclarations méprisantes envers l'islam, d'attaques de mosquées, d'agressions physiques de musulmanes voilées mène à taire ou à ne pas voir le radicalisme musulman par peur d'alimenter cette montée quantifiable de la «musulmanophobie», et par là renforcer le Front National, dont c'est le fer de lance. Mais ne pas agir rend complices. Le laxisme envers des comportements radicaux qui frôlent le totalitarisme ne combat pas le Front National mais le nourrit.

Informations sur le livre