Angosta

Auteur : Hector Abad Faciolince
Editeur : Jean-Claude Lattès

Ville des Andes, Angosta a été divisée par les militaires en trois "sekteurs" déterminant précisément la place et les droits de chacun au sein de la société. Le F est la terre des plus riches, le T, au centre, est la zone de la classe moyenne, et le C, au plus bas de la vallée, est le refuge des marginaux. La zone T abrite un hôtel, véritable microcosme, recevant des pensionnaires de toute sorte.

Traduit de l'espagnol par Anne Proenza
20,90 €
Parution : Janvier 2010
356 pages
ISBN : 978-2-7096-3060-3
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Extrait

Il ouvrit le livre par le milieu, l'approcha de son visage et plongea le nez dans la profondeur des pages comme s'il pénétrait entre les cuisses et les replis intimes d'une femme. Cela sentait bon le papier humide, les restes de poussière et l'arbre fraîchement coupé. Il referma le livre et l'éloigna de son visage jusqu'à distinguer sur la couverture une aquarelle représentant le saut des Désespérés. Il la compara avec le Saut réel pour découvrir qu'ils ne se ressemblaient plus. Ses yeux se concentrèrent sur les lettres du titre et le nom de l'auteur. C'était un bref traité sur la géographie d'Angosta, écrit par un obscur universitaire allemand. Il regarda la dédicace (familière) et ne comprit pas l'épigraphe (en latin).
Feuilletant rapidement l'index, il sauta le prologue, jusqu'à parvenir à cette page, la première :

Il existe un territoire situé à l'extrême Nord-Est de l'Amérique méridionale, qui s'étend de l'océan Pacifique jusqu'au fleuve Orénoque et du fleuve Amazone jusqu'à la mer des Antilles. Là, s'ouvre la cordillère des Andes, après avoir parcouru plus de sept mille kilomètres épuisants depuis la Terre de Feu, épousant la forme d'une main dont les extrémités des doigts plongent dans l'Atlantique et, avec un ultime sursaut qui culmine à presque six mille mètres d'altitude, au sommet de la Sierra Nevada. Six fleuves importants dévalent les cinq pics que représentent les doigts en étoile de cette main : le Caqueta et le Putumayo qui se jettent dans l'Amazone et poursuivent jusqu'au Brésil ; le Patîa, dont le cours torrentiel bordé de gorges rejoint l'océan Pacifique ; l'Atrato qui recueille les pluies incessantes des forêts du Chocó avant de les rejeter dans le golfe du Darién ; et deux fleuves parallèles et jumeaux, le Yuma et le Bredunco, qui foncent vers le nord jusqu'à ce que leurs eaux s'unissent et se déversent dans les bouches de Cendre, un estuaire marécageux qui débouche sur la mer des Caraïbes, après mille quatre cents kilomètres de traversée. Ce territoire porte depuis près de deux siècles le nom qui devrait être celui de toute l'Amérique si l'histoire du monde n'avait pas été un enchaînement d'absurdes hasards : la Colombie.

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