Matières Fermées

Auteur : William Cliff
Editeur : La Table Ronde

On retrouve dans ces sonnets l'inspiration habituelle de William Cliff, essentiellement autobiographique : l'enfance et la jeunesse wallonne, - avec des aperçus sur l'histoire récente de la Belgique comme la querelle linguistique -, le goût de l'errance, une galerie de personnages hauts en couleur, dans une tradition breughélienne mais avec en plus une manière de mélanger le sordide et le somptueux qui fait toute l'originalité du poète.
On retrouve aussi le rapport complexe, éminemment ca- tholique, à la religion comme contrainte mais aussi comme fonds culturel indépassable et indépassé, permettant de jouir de la culpabilité comme d'un piment supplémentaire dans le désir, notamment homosexuel.
Le corps, comme souvent chez Cliff, occupe une place importante. C'est le corps souffrant de la maladie, le corps grotesque qui ne sait plus s'il exulte ou s'il s'abîme dans ce que Bakhtine, à propos de Rabelais, appelait le « bas corporel », et enfin le corps glorieux du poète qui atteint, par éclats, à l'immortalité du créateur.
Cliff allie l'archaïque des danses macabres à la modernité médicale, et ce jeu entre le contemporain et le médiéval s'étend à tout son univers, aux décors dans lesquels il évo- lue où le chant du rossignol passe grâce à un téléphone portable et où se rejoignent des considérations sur les ta- blettes informatiques, les joints, la révolution et la rudesse de la vie en Wallonie dans les années 1950.
Virtuose, Cliff compose Matières fermées comme un unique poème, avec de subtiles variations de rythme en parallèle à une ligne mélodique unique et entêtante. On peut ainsi lire ces sonnets comme un roman en vers mais aussi comme un recueil où l'on pourrait picorer au hasard, servi par une langue qui n'appartient qu'à lui, immédia- tement reconnaissable : les tournures anciennes ou typi- quement belges se mêlent à une syntaxe plus moderne, et un maniérisme semblable à la poésie baroque du XVI e siècle se confond avec un argot contemporain.
La rime et l'alexandrin deviennent un moyen de jouer iro- niquement avec la langue et de renforcer un certain hu- mour, une certaine distance qui se confond de manière harmonieuse et habile avec un vrai lyrisme : « langage très ancien qui depuis tant de siècles/s'articule en dansant en syllabes espiègles. »

16,00 €
Parution : Mars 2018
256 pages
ISBN : 978-2-7103-8452-6
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La presse en parle

Depuis Homo sum (Gallimard, 1973), William Cliff a publié une vingtaine de livres, dont cinq romans, tous retraçant, avec une entêtante sincérité, ses élans, ses détresses, ses emportements. De son exigence à ne rien laisser sous silence, il a bâti une œuvre. William Cliff est le nom qu’il s’est choisi. Mais il n’a pas oublié le petit Albert Imberechts, quatrième d’une grande fratrie, rageur, à la tête dure sous les gifles du père. Il garde en mémoire ses études compliquées, la pension, les bons pères, la terreur du péché. Et cette « emmerdation » qu’il croyait ne jamais voir finir. Alors, avec les études et les premiers boulots, les voyages, les aventures entre hommes, les quelques amours fous, il a fait ses poèmes.

Ainsi dans Matières fermées, long poème en huit « liasses » – de souvenirs, d’épais et lourds dossiers, arrachés à la mémoire. Jours qui filent. Qu’on retrouve au hasard. Des noms, des lieux, des visages. Le poème parle de maladie, de singuliers fantômes, d’enfants devenus vieux et d’oiseaux dans les champs. De livres, d’églises, d’arbres, de joies légères, d’émois qui doucement s’effacent et d’autres qui s’éveillent en un étrange printemps. Il n’est guère de craintes, de désabusements qui tiennent.
Xavier Houssin, Le Monde

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