Rose de cendres

Auteur : Pilar Rahola
Editeur : Belfond

Prix Ramon Llull 2017, un roman historique passionnant qui nous plonge, à travers le tumultueux destin d'une dynastie familiale, au cœur d'un épisode sanglant de l'histoire de Barcelone : la " Semaine tragique ".
D'origine modeste et issu d'une famille républicaine, Albert Corner a combattu lors de la première guerre d'indépendance de Cuba. À son retour au pays, il n'a plus qu'une idée en tête : s'enrichir, quitte à verser dans la criminalité. Des années plus tard, il jouit d'un statut d'homme d'affaires reconnu.
Mais, en 1909, la révolte est aux portes de la ville : le syndicalisme ouvrier affronte violemment le gouvernement espagnol au sujet de la mobilisation pour la guerre au Maroc. Et dans cette Catalogne au bord de l'explosion, les enfants Corner pourraient bien trahir les idéaux fraîchement bourgeois de leur père. Entre les aspirations révolutionnaires des uns et les désirs d'émancipation des autres, l'équilibre de la famille et des affaires est en danger...

20,00 €
Parution : Novembre 2018
288 pages
ISBN : 978-2-7144-7963-1
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Que Savons-nous de l’histoire de la Catalogne ? Du point de vue du lecteur français, non spécialiste de l’histoire ibérique, peu de choses, en vérité. Pilar Rahola, romancière catalane, vient opportunément nous éclairer à l’occasion de la parution en France de son roman Rose de cendres.
Ce roman ne traite pas, à proprement parler, de l’histoire événementielle de la Catalogne. Néanmoins, il évoque des questions essentielles quant à la nature du séparatisme, catalan, aux composantes de l’histoire sociale de cette région.
Albert Corner est un homme d’origine modeste. De retour de la guerre d’indépendance menée à Cuba, il se fixe pour objectif dès son retour de s’enrichir, à tout prix et par tous les moyens , y compris la criminalité .Pourtant, durant ce conflit, il prend conscience qu’il est catalan, et à ce titre , victime , tous comme les Cubains, de la domination espagnole , en manifestant de l’admiration pour cette poignée de soldats cubains qui résistent dans une plantation, l’Indiana , située dans la province de Guantanamo… « Albert comprit que, plus généralement, il se trouvait dans le mauvais camp de l’histoire .Il était catalan , il avait ressenti une vibration en lui. Comme une prise de conscience du lien invisible qui unissait les Catalans et les Cubains, pareillement sous le joug des Espagnols. »
Pourtant, ce sont deux de ses enfants qui vont imprimer un cours nouveau à l’essor de cette famille Corner. Enric, l’un de ses fils, opte pour la carrière d’enseignant, il s’implique aussi dans les mouvements libertaires, s’engage dans l’Escola Moderna de Franc esc Ferrer i Giardia. Il s’abonne à la revue Tierra y Libertad, découvre Kropotkine, penseur anarchiste.
Tous ces choix, ces appartenances idéologiques et politiques vont orienter la vie d’Enric, toute dédiée à l’émancipation, humaine, à la révolution, au soutien de la lutte pour l’égalité des sexes.
Sa sœur, Mercerata, contrarie également à sa manière, les projets paternels : « Catalanisme, pacifisme, féminisme. Mercereta avait subitement cessé d’être une jeune fille avançant sans but dans la vie pour devenir une femme qui évoluait sur un terrain solide (…) Ce monde féminin qui réclamait sa place dans la société, la tête haute et la voix ferme, mais sans la brusquerie des radicaux, l’attirait fortement. »
Pilar Rahola nous dévoile ainsi dans ce roman une partie de l’histoire sociale de la Catalogne, à travers deux versions de l’émancipation individuelle. Elle nous délivre, aussi, quelques clés culturelles, sur la présence forte de l’idéologie anarchiste dans cette région, ce qui éclaire l’histoire de toute l’Espagne contemporaine. La Catalogne est-elle une nation à part entière ? Doit-elle recouvrer son indépendance perdue en 1714 ? Sans trancher définitivement ces questions toujours au cœur d’une certaine actualité, Pilar Rahola nous fait découvrir ces antécédents, ces constantes culturelles de l’histoire des peuples, sans lesquelles toute compréhension est vaine. Ce n’est pas le moindre des mérites de ce beau roman.
STEPHANE BRET

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