La Fabrique du crétin digital

Auteur : Michel Desmurget
Editeur : Points
En deux mots...

Les dangers des écrans : un scientifique nous alerte !

Michel Desmurget est docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm. Salué par la critique, son ouvrage, La Fabrique du crétin digital, a reçu le prix spécial Femina Essai.

8,90 €
Parution : Octobre 2020
Format: Poche
576 pages
ISBN : 978-2-7578-8683-0
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Présentation de l'éditeur

Troubles du comportement, déficits intellectuels, problèmes de santé… : l’usage généralisé du numérique par les jeunes est lourde de conséquences. Première synthèse des études scientifiques sur le sujet, ce livre est celui d'un homme en colère. « Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle », estime Michel Desmurget. La conclusion est sans appel : attention écrans, poisons lents !

Extrait

La consommation récréative du numérique – sous toutes ses formes (smartphones, tablettes, télévision, etc.) – par les nouvelles générations est absolument astronomique. Dès 2 ans, les enfants des pays occidentaux cumulent chaque jour presque 3 heures d’écran en moyenne. Entre 8 et 12 ans, ils passent à près de 4h45. Entre 13 et 18 ans, ils effleurent les 6 h 45. Exprimé en cumul annuel, cela représente autour de 1 000 heures pour un élève de maternelle (soit davantage que le volume horaire d’une année scolaire), 1 700 heures pour un écolier de cours moyen (2 années scolaires) et 2 400 heures pour un lycéen du secondaire (2,5 années scolaires). Exprimé en fraction du temps quotidien de veille, cela donne respectivement un quart, un tiers et 40 %.
Loin de s’alarmer, nombre d’experts médiatiques semblent se féliciter de la situation. Psychiatres, médecins, pédiatres, sociologues, lobbyistes, journalistes, etc., multiplient les déclarations indulgentes pour rassurer parents et grand public. Nous aurions changé d’ère et le monde appartiendrait désormais aux bien nommés digital natives. Le cerveau même des membres de cette génération postnumérique se serait modifié ; pour le meilleur, évidemment. Il s’avérerait, nous dit-on, plus rapide, plus réactif, plus apte aux traitements parallèles, plus compétent à synthétiser d’immenses flux d’informations, plus adapté au travail collaboratif. Ces évolutions représenteraient, in fine, une chance extraordinaire pour l’école, un moyen unique de refonder l’enseignement, de stimuler la motivation des élèves, de féconder leur créativité, de terrasser l’échec scolaire et d’abattre le bunker des inégalités sociales.
Malheureusement, cet enthousiasme général dissone lourdement avec la réalité des études scientifiques disponibles. Ainsi, concernant les écrans à usage récréatif, la recherche met en lumière une longue liste d’influences délétères, tant chez l’enfant que chez l’adolescent. Tous les piliers du développement sont affectés, depuis le somatique, à savoir le corps (avec des effets, par exemple, sur l’obésité ou la maturation cardio-vasculaire), jusqu’à l’émotionnel (par exemple, l’agressivité ou la dépression) en passant par le cognitif, autrement dit l’intellectuel (par exemple, le langage ou la concentration) ; autant d’atteintes qui, assurément, ne laissent pas indemne la réussite scolaire. Concernant cette dernière d’ailleurs, il apparaît que les pratiques numériques opérées dans la classe, à des fins d’instruction, ne sont pas elles non plus particulièrement bienfaisantes. Les fameuses évaluations internationales PISA, en particulier rapportent des résultats pour le moins inquiétants. Le père fondateur de ce programme admettait lui-même récemment, au cours d’une conférence, « [qu’]au final, cela dégrade plutôt les choses2 ».
À la lumière de ces antagonismes, il semble clair que certains acteurs du débat ici posé ne sont au mieux pas très compétents et au pire pas très loyaux. Dois-je m’inclure dans ce groupe défaillant ? On pourrait le penser tant mes amis médiatiques m’ont souvent reproché d’être paranoïaque, excessif, outrancier, alarmiste et partial. La mauvaise nouvelle, si ce tableau est vrai, c’est que je ne suis pas seul à divaguer. Parmi mes collègues neuro-scientifiques, ceux qui connaissent la littérature spécialisée discutée dans ce livre, mettent le même soin que moi à protéger leur descendance. En cette matière, ils ne font d’ailleurs que suivre l’édifiant exemple de nombreux cadres dirigeants de l’industrie du numérique, dont Steve Jobs, l’ex-mythique patron d’Apple3-4. Cela étant, il est possible aussi, évidemment, que le problème réside moins dans mon insanité supposée que dans le traitement public accordé au sujet. Ce ne serait pas la première fois que l’intérêt économique biaiserait l’information.

Informations sur le livre