Le Racisme expliqué à ma fille

Auteur : Tahar Ben Jelloun
Editeur : Points

« Un enfant est curieux. Il pose beaucoup de questions et il attend des réponses précises et convaincantes. On ne triche pas avec les questions d’un enfant. C’est en m’accompagnant à une manifestation contre un projet de loi sur l’immigration que ma fille m’a interrogé sur le racisme. Nous avons beaucoup parlé. Les enfants sont mieux placés que quiconque pour comprendre qu’on ne naît pas raciste mais qu’on le devient. Parfois. Ce livre qui essaie de répondre aux questions de ma fille s’adresse aux enfants qui n’ont pas encore de préjugés et veulent comprendre. Quant aux adultes qui le liront, j’espère qu’il les aidera à répondre aux questions, plus embarrassantes qu’on ne le croit, de leurs propres enfants. »

TBJ

Vingt ans après la publication de l’édition originale de ce livre (1998), alors que plus d’un million d’exemplaires se sont écoulés de par le monde, une nouvelle édition s’imposait pour comprendre mieux encore ce qu'est le racisme et pour mobiliser.

Tahar Ben Jelloun

7,80 €
Parution : Janvier 2021
Format: Poche
224 pages
ISBN : 978-2-7578-8816-2
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Extrait

Mérième,
Il ne faut rien oublier, rien occulter, rien négliger.
Le racisme est un fait, ce n’est pas un accident ou une bavure de l’histoire.
Le racisme est là où prospère l’homme,
Là où les sentiments se confrontent et se font la guerre.
Sentiment de supériorité
Sentiment de puissance qui autorise l’homme à mépriser d’autres hommes qui ne lui ont pourtant rien fait
Sentiment d’être autorisé à porter des jugements sur des différences que l’homme traite comme autant de signes d’inégalité
Sentiment de se sentir plein de pouvoir parce que plein d’or et d’argent.
Il ne faut rien oublier
L’homme n’est pas un loup pour l’homme. N’accablons point les pauvres animaux qui ne se font jamais la guerre.
Mais l’homme est simplement un homme pour l’homme.
C’est son meilleur ennemi
C’est la guerre qu’il préfère, celle qui annihile d’autres hommes
Celle qui humilie et fait table rase
Celle qui détruit le foyer et les jardins Celle qui piétine l’innocence des enfants et des vieilles personnes.
Le racisme, ma fille, colle à la peau de l’homme où qu’il se trouve
Même sur une île déserte cet homme trouvera qui haïr, qui mépriser, qui humilier
Haïr pour exister, pour se sentir vivant
Il pourrait aimer
Mais l’amour n’est pas chose aisée
Il faut mériter l’amour
Il faut le séduire, l’arracher à la nuit et aux ombres cachées derrière les sourires.
Ma ille, tu as bien compris que tout est dans l’éducation, cette pédagogie du quotidien Cette obstination à inculquer des valeurs à
l’enfance et à lui apprendre à les respecter.
Le respect n’est pas autre chose qu’une humilité grandiose qui fait que l’humanité prend sens
Le respect, c’est aller vers les autres, qu’ils soient en danger ou dans la pauvreté et le besoin, et leur tendre la main
Le respect, c’est considérer que nous sommes tous différents et pourtant semblables
Qu’un homme vaut un autre homme quels que soient sa taille, sa couleur de peau, la langue qu’il parle, la foi qui l’habite, le doute qu’il cultive, le désir qu’il poursuit, le travail qu’il effectue, la folie qu’il brandit ou la sagesse qu’il place au-dessus de tout.
Le respect, ma ille, est le devoir de tout être
Parce que nous avons tous besoin d’être respectés pour vivre et entreprendre des choses qui font honneur à l’humanité.
Ô ma fille, je t’ai souvent parlé de tes grands-parents, de leur imaginaire, de leur univers, et tu as aimé ce qu’ils représentent en ce monde où les biens matériels ont évincé les valeurs qui ne se mesurent pas avec des choses.
Les gens ont tellement besoin de posséder, sont tellement obsédés par l’avoir quand ils ont oublié d’être, être présents au monde et aux autres.
Tu es née en France et tu as connu le pays natal de tes parents.
Pour toi le Maroc est une autre partie de ta mémoire, celle que tu as héritée de tes parents. Tu as vu la différence des modes de vie et, tout de suite, tu as été horriiée par la condition faite aux femmes et par le racisme déployé contre les Africains noirs, ces personnes venues de l’Afrique subsaharienne et qui tentent de rejoindre l’Europe
pour connaître des jours meilleurs.
Tu as vu tant de choses dans tes voyages et tu as appris qu’aller vers d’autres horizons, visiter d’autres pays et d’autres cultures fait reculer le racisme qui, lui, est fondé principalement sur l’ignorance, la peur de l’inconnu et la haine qu’inspire telle ou telle religion.
Voilà pourquoi, ma fille, je m’adresse aujourd’hui à toi, parce que tu as grandi avec ce petit livre qui a été étudié par des millions d’enfants dans le monde. Aujourd’hui, plus que jamais, la vigilance et la lutte contre ce léau qu’est le racisme sont nécessaires.
Il ne faut rien oublier,
Rien occulter,
Rien négliger.
Vigilante et vaillante, tu es et le seras, je le sais, tant que le racisme menacera la vie des citoyens, les proches et les lointains, les connus et les inconnus, bref, tant qu’il mettra en péril la paix sur notre planète.

Informations sur le livre