Pro à tout prix - Le filou du foot vide son sac

Auteur(s) : Gregoire Akcelrod, Brice Perrier
Editeur : L'Archipel

Son visage a fait le tour des médias du monde entier. À 26 ans, grâce à une photographie prise au Parc des Princes sur laquelle Grégoire Akcelrod porte le maillot du PSG, le CSKA Sofia, le meilleur club bulgare habitué des coupes d’Europe a cru voir en lui une star parisienne ! Et décide de le recruter !

Le début d’un rêve ? Il est vrai que, dès son plus jeune âge, Grégoire n’a qu’un objectif : devenir footballeur professionnel. Malgré l’opposition de son père, mais avec le soutien de sa grand-mère – l’ex-compagne de Maurice Chevalier –, il y parviendra, devenant l’un des rares footballeurs français à avoir tenté sa chance sur tous les continents, ou presque.

Dans cet incroyable récit autobiographique à la fois drôle et émouvant, Grégoire Akcelrod raconte son parcours hors norme, qui prouve qu’il faut toujours croire à ses rêves. Alors, filou ou obstiné ? Imposteur ou génie ayant compris avant les autres les règles du milieu ? Le « Rocancourt du foot » raconte sa folle aventure.

Né en 1982 à Saint-Germain-en-Laye, Grégoire Akcelrod est parvenu à faire des essais dans 22 clubs professionnels de 19 pays. Aujourd’hui, il est devenu agent pour aider de jeunes joueurs à signer dans des clubs anglais. Il a également fait quelques apparitions au cinéma.

18,00 €
Parution : Janvier 2021
224 pages
ISBN : 978-2-8098-4038-4
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Extrait

Prologue
Un drame, une vocation
Dans le vestiaire, à l’automne 1992, je suis excité comme un joueur s’apprêtant à participer à une finale de la Ligue des Champions. Le match à venir est pourtant un événement ordinaire pour mes coéquipiers du FC Sens, une rencontre banale de notre championnat comme on en dispute chaque samedi à domicile ou sur les terrains adverses, dans notre département, l’Yonne. Sauf que, pour moi, ce jour constitue une première historique et je suis fier de l’annoncer à tous mes copains : « Cet après-midi, papa vient me voir jouer ! »
J’ai dix ans, et cela fait maintenant cinq saisons que j’ai rejoint ce club de niveau régional. À l’école maternelle, je jouais au foot dès que je le pouvais, dans la cour, avec des camarades de classe dont les parents fréquentaient les miens. Ils ont ensuite décidé de tous nous inscrire dans le même club. Depuis lors, je ne me sens jamais aussi heureux qu’en courant sur cette pelouse bosselée où nous nous retrouvons deux fois par semaine. Elle m’apparaît comme le plus merveilleux endroit au monde.
Je ne suis pas particulièrement bon, plutôt un joueur moyen appartenant à l’équipe B de ma catégorie d’âge. Je ne me fais pas remarquer par mes exploits balle au pied, y compris dans la cour de l’école où je suis loin d’être l’élément le plus demandé quand se forme une équipe, mais peu m’importe. Le foot fait mon bonheur, il m’apporte une forme de liberté, du plaisir surtout, et jouer me fait rire. Sur un terrain, je n’arrête pas de rigoler, ce qui amuse d’ailleurs beaucoup mes partenaires de jeu.
À la maison, ça plaisante moins. Mes parents nous élèvent strictement, ma sœur jumelle et moi. Mon petit frère, Paul, qui a tout juste un an, aura droit à davantage de tolérance, mais pour nous la discipline est sévère. Nous nous devons de faire attention à tout, à nous tenir correctement, et pas question de mettre les coudes sur la table, comme l’exigent les bonnes manières bourgeoises. Il faut dire que ma famille est fortunée. Nous habitons probablement dans la plus belle maison de Sens, une immense bâtisse du xixe siècle avec jardin et dépendances, située en plein centre-ville.
Papa dirige une entreprise de matériel médical et travaille beaucoup, assisté par maman. Nous passons ainsi une grande partie de notre temps à la maison, avec la femme de ménage qui s’occupe de nous dès la sortie de l’école. Le soir, nous dînons en famille, mais mes parents ne parlent que de leurs affaires et d’argent. Résultat, je me construis une petite bulle et, toute la semaine, j’ai la tête au foot. Je ne pense qu’au moment où je vais pouvoir me retrouver sur le terrain avec un ballon. Et quand viennent l’entraînement du mercredi et le match du samedi, une question se pose : avec qui vais-je y aller ? Trop occupés, mes parents n’ont jamais pu m’accompagner, alors à chaque fois je compte sur un copain dont le père ou la mère passera me prendre.
Je suis l’unique joueur de mon équipe dont les parents n’ont jamais assisté à un match. Tous les autres connaissent la chance de recevoir des encouragements familiaux le week-end depuis le bord du terrain. J’en ai pris l’habitude, et tant que je peux tenir ma place dans l’équipe je m’en satisfais. J’ai compris que mes parents ne viendraient jamais car mes parties de football ne présentent pour eux aucun intérêt.
Autant dire que mon étonnement a été total quand mon père m’a annoncé qu’il m’emmènerait au match aujourd’hui. Il venait de s’engueuler avec maman qui lui reprochait de ne pas passer assez de temps avec moi. M’accompagner au foot fut finalement sa façon d’obtempérer. J’ai vite compris que passer exceptionnellement un après-midi avec moi ne l’enchantait pas mais, pour ma part, j’étais content d’avoir mon papa qui me suive jusqu’au vestiaire.
La rencontre démarre, et très vite nous sommes dépassés par une équipe adverse qui nous est nettement supérieure. À la fin de la première période, elle mène déjà trois buts à zéro. Un score lourd à encaisser. Attaquant, je n’ai quasiment pas touché un seul ballon. Il est vrai que je suis assez lent, avec un peu d’embonpoint, et me retrouve largué à la moindre balle en profondeur. Cela ne m’empêche pas de passer du bon temps. Je n’ai pas encore l’esprit de compétition et me soucie assez peu de gagner ou de perdre tant que je suis sur le terrain avec mes amis. Que l’on prenne des buts me paraît secondaire, surtout aujourd’hui où la présence inattendue de papa sur le bord de la pelouse me ravit. J’aurais certes apprécié qu’il manifeste un peu plus d’enthousiasme. Il ne m’a adressé aucun signe d’encouragement et, quand je lui jette un regard, le sien est soit distant, soit noir.
Le coach ne nous enfonce pas à la mi-temps. Il nous pousse à essayer de faire mieux face à cette équipe coriace, sans modifier la nôtre, maintenant les mêmes titulaires sur le terrain. Cet entraîneur n’oublie pas que nous ne sommes que des enfants de dix ans voulant avant tout s’amuser ensemble, et ne nous met pas la pression. Il se contente de nous inciter à donner le meilleur de nous-mêmes, et nous rappelle souvent que le football reste un jeu. Tant mieux, car finalement le score sera de quatre à zéro. Une bonne déculottée pour mon premier match devant papa, que j’ai observé à maintes reprises assez dépité, voire un brin énervé, seul et silencieux dans son coin.
De retour au vestiaire en ce jour de lourde défaite, l’heure n’est évidemment pas aux réjouissances et aux embrassades. Toute l’équipe fait grise mine, mais le coach garde un discours positif. On sera meilleurs la prochaine fois, car on a quand même réussi à stopper leur avalanche de buts en seconde mi-temps. Rendez-vous dans une semaine pour une victoire !
Malgré les mots réconfortants de notre entraîneur, je suis un peu déçu de notre prestation quand je rejoins mon père qui m’attend dans sa grosse BMW sur le parking du stade. J’aurais quand même préféré qu’il me voie gagner et, idéalement, marquer un but. Lui aussi apparemment, car il fait la tête derrière son volant et ne me dit pas un mot lorsque je monte dans la voiture.
Il démarre et nous partons, dans un silence de plus en plus lourd. Au bout de quelques minutes durant lesquelles je n’ose pas ouvrir la bouche, c’est lui qui prend la parole. « J’ai eu honte de toi, lâche-t-il. Plus jamais tu ne joueras au foot. Tu n’es pas fait pour ça. »
Cette phrase me stupéfie, je ne m’y attendais pas. On dirait que j’ai fait quelque chose de grave, une faute lourde qui mérite châtiment. Face à mon mutisme, il enchaîne en déplorant que je n’aie pas assez couru sur le terrain. Comme j’ai quelques kilos en trop, il est convaincu que je ne serai jamais un bon joueur. Il convient donc d’arrêter sur-le-champ. Il ne me laissera plus retourner au club. Le couperet vient de tomber. Je voudrais répondre, lui dire que si je ne cours pas beaucoup et ne reviens pas en défense, c’est parce que je suis attaquant et n’ai pas à redescendre si bas sur le terrain. Et puis je n’ambitionne pas de devenir un grand joueur, ce n’est pas un problème si je ne suis qu’un footballeur moyen. Je souhaite seulement retrouver mes copains et jouer avec eux, mon plus grand bonheur depuis cinq ans. Mais je suis incapable de le lui expliquer. Je subis sa violence verbale sans répliquer, comprenant bien qu’il ne compte pas en discuter.
Sous le choc, je réalise que cet après-midi de rêve tourne au pire des cauchemars. Je savais mon père autoritaire mais ne l’aurais pas cru capable de tenir ce discours, de prendre une telle décision, sans la moindre concertation. Le foot représente mon unique passion, ma source de joie. Je ne sais pas pourquoi j’aime tant ce sport mais il agit sur moi comme l’oxygène. Il m’est nécessaire. Mon père n’en a pas conscience, n’ayant même pas remarqué depuis toutes ces années combien cette activité me rendait heureux. Et la première fois qu’il s’y intéresse, c’est pour m’en priver. Quelle cruauté ! Je n’arrive décidément pas à y croire. J’espère que maman ne le laissera pas faire.
De retour à la maison, papa m’ordonne de filer dans ma chambre finir mes devoirs. On dirait que j’ai commis un délit. Je monte l’escalier sans rechigner et l’entends appeler ma mère à qui il va expliquer ce qui s’est passé. Pourvu qu’elle parvienne à le raisonner. Les heures passent, et quand vient celle du dîner, on m’appelle pour passer à table. Je descends dans la cuisine et regarde maman en cherchant dans ses yeux un signe de réconfort. En vain. Papa a réussi à la convaincre. Elle accepte la décision de son mari, sans se préoccuper du désespoir de son fils. Le foot, c’est terminé pour moi. Je ne retournerai pas au club, ne verrai plus mes copains.

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