La vie brève de Jan Palach

Auteur : Anthony Sitruk
Editeur : Le Dilettante

Prague, aujourd’hui, sur les traces de Jan Palach, étudiant tchèque qui en janvier 1969 avait donné sa vie en s’immolant par le feu, pour protester contre la fin du Printemps de Prague et l’invasion de son pays par les forces du Pacte de Varsovie.

Voici enfin la découverte de ce héros libertaire dont le destin a marqué plus d'un pays et trouve encore son écho aujourd'hui.

16,50 €
Parution : Juin 2018
192 pages
ISBN : 978-2-8426-3967-9

Extrait

Ce nom, ferme, fermé, aride, devenu pour moi synonyme de l’horreur, je le lis et l’entends pour la première fois et pendant quelque temps il ne me lâchera plus. Le documentaire est court, moins d’une heure, mais c’est le seul tourné en français et il montre l’essentiel, faisant intervenir le frère de l’étudiant, ceux qui l’ont vu grandir, ceux qui ont tenté de le secourir sur la place Venceslas. Palach lui-même est présent à travers les quelques images que l’on conserve de lui sur son lit d’hôpital, immobile, peinant à formuler les dernières paroles qui, malgré les tissus du visage rigidifiés par les flammes, parviennent jusqu’à nous. Comment oublier les images capturées par Milan Maryška qui reste au chevet de Palach, la caméra à l’épaule, jusqu’au bout de sa mort lente.
Jan Palach.
Ce nom, je me souviens l’avoir répété, souvent, revenant à lui, tournant autour, sans réellement comprendre pourquoi cette assonance (renforcée pour peu qu’elle soit prononcée en tchèque : Jana Palacha) m’avait fasciné, pourquoi j’avais tant l’impression qu’ils, ce nom et son propriétaire, devaient entrer un jour dans l’Histoire, comme s’ils n’avaient d’autre choix, que c’était écrit par je ne sais quelle main, à côté du nom, sur un formulaire administratif rempli à la naissance un matin d’août 1948. Je l’avais répété, ce nom, à maintes reprises – me demandant si l’on doit prononcer le « ch » comme un « k » ou comme un « r » guttural rappelant la jota espagnole. Je l’avais répété aussi à ma petite amie de l’époque, étudiante en histoire de l’art, qui me demandait si j’avais entendu parler du peintre Jan van Eyck, dont une partie de l’œuvre était alors exposée à Bruges, et à qui je rétorquais, sans raison autre que le jeu de mots bidon : « Non, mais je connais Jan Palach. » Ça l’avait fait sourire, et encore, ma mémoire me joue sans doute des tours, peut-être cela ne l’amusa pas tant, du moins pas au bout de la trentième fois. Oui, bon. Nous étions crétins, nous étions jeunes.
Pourtant, jeune, je ne l’étais pas plus que lui. Lui aussi avait l’âge d’enchaîner les films, assis sur la moquette de sa chambre. L’âge de balancer des blagues. L’âge de somnoler, comme je le faisais si bien, moi qui observais de loin les manifestations qui secouaient le pays cet hiver 1997.
Comment avais-je pu oublier?

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