L'Attentat de la rue Vaneau

Auteur : Marc Pierret
Editeur : Verticales

Georges Louvetard, un vieil écrivain célibataire, perclus de rhumatismes et de succès éditoriaux mitigés, œuvre à son prochain opus intitulé : L'Attentat de la rue Vaneau. Il fait la connaissance d'une certaine Dolorès, doctorante en histoire de l'art et noctambule trash. Se prétendant désargentée, la jeune esthète accepte de venir chez lui, rue Vaneau justement. Ménage, repassage, repérage : notre homme de lettres va tomber dans le piège d'une rencontre érotisée à froid et dangereusement décalée. Dolorès pénètre en secret l'ordinateur de Louvetard et traque les figures de son conservatisme littéraire. Un vent de folie se lève. Usant des concepts comme d'un kalachnikov, Dolorès va passer à l'acte terroriste. Avec l'aide d'un complice, elle supprimera l'écrivain par un attentat homicide. Pour seule signature de son forfait, ce message laissé sur l'écran informatique de l'assassiné : « Tous les écrivains sont mortels. Pour certains d'entre eux leur effacement est encore la meilleure correction. Allah akbbar! » Ultime complication posthume, cette étrange fatwa vaudra à Mustapha Messaoui, l'amant de la voisine de feu Georges Louvetard, de passer aux assises.
Cet imbroglio, à proprement parler délirant, ne nous est pas donné linéairement, mais progressivement dévoilé par un familier de l'écrivain. Ce narrateur de l'ombre mène une sorte d'enquête a posteriori qui, faute de suivre les étapes ordinaires d'un roman policier, cherche ses indices dans les décombres de l'intériorité de Georges Louvetard. Témoin privilégié de ses flux de conscience - on ne comprendra qu'in fine pourquoi il était le mieux placé pour savoir tant de choses -, il reconstitue le puzzle des cauchemars érotiques, des souvenirs troublants et des lapsus majeurs qui ont hanté le mort dans ses derniers mois. À force d'interpréter les arrière-pensées de l'écrivain décédé, il en devient un double posthume, son alter ego distancié. À moins qu'aucun protagoniste n'arrive plus à commander cette intrigue en roue libre.
Du coup, le lecteur doit se rendre à l'évidence : l'auteur du livre s'est tout à la fois déplacé, démultiplié et déconstruit. Et ce jeu de mises en abîme successives - dont Marc Pierret avait usé différemment dans Le Mystère de la culture -, n'est pas qu'un pur art poétique, il nous met devant l'abîme de contradictions de tout individu, le désordre de ses personnalités diverses. À ce sujet, Marc Pierret, s'explique ainsi : « Je suis un créateur de romans d'auteurs (je veux dire, avec plein d'auteurs à l'intérieur). Si je renverse le statut d'auteur unique, c'est qu'en écrivant je ne me sens jamais seul. Les multiples auteurs que je mets en scène métaphorisent l'expérience spécifique de l'individu contemporain : son éclatement, mais aussi sa résurrection. »
Avec L'attentat de la rue Vaneau, Marc Pierret multiplie les tours et détours parodiques du roman à énigmes. Il nous entraîne surtout dans un rêve éveillé, agité de fantasmes où culmine le pathos nihiliste de notre temps. Au fil des pages, entre dérives verbales illimitées et hantises historiques, le lecteur découvre le point de gravité de ce récit somnambulique, opposant au désordre établi des faits-divers, l'insoumission d'une écriture en état d'alerte maximale.

16,25 €
Parution : Février 2004
128 pages
ISBN : 978-2-8433-5180-8
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