L'amitié selon Prévert

Auteur : Carole Aurouet
Editeur : Textuel

Anniversaires, dîners entre amis... Prévert plaçait l'amitié au centre de sa vie. Et lui consacrait chaque jour une fleur dessinée aux côtés de laquelle il notait ses rendez-vous. Le geste est superbe, le défilé des noms vertigineux : Picasso, Miró, Arletty, Doisneau... Réunies en un bouquet éclatant de couleurs et de vie, ces éphémérides sont ici publiées pour la première fois, accompagnées de seize courts portraits retraçant les plus belles histoires d'amitié du poète.

Anniversaire, rendez-vous, dîners entre amis, Prévert plaçait l'amitié au centre de sa vie. À partir de la fin des années 1950, installé cité Véron, il prend l'habitude d'y consacrer chaque jour une belle éphéméride : une fleur dessinée au feutre et vivement colorée aux côtés de laquelle il notait les noms et souvent l'occasion de ses rendez-vous. Le geste est superbe, le défilé des noms vertigineux... Fidèle à lui-même, Prévert y apparaît taquin et attachant. Sous sa plume facétieuse, Paul Grimault prend l'aspect d'un gros chat jaune, les dîners sont signalés par un couvert dressé et les jours se succèdent dans une curieuse danse typographique, mélangeant les lettres et les couleurs.

Réunis en un bouquet éclatant de couleurs et de vie, les éphémérides de Prévert sont ici publiées pour la première fois. Dans une galerie de seize courts portraits, Carole Aurouet raconte les liens qui attachaient Prévert à chacun de ses amis. Au fil des pages, on retrouvera donc les compères, les intimes, les inséparables : Arletty, Maurice Baquet, René Bertelé, Pierre Brasseur, Henri Crolla Robert Doisneau, Marcel Duhamel, Jean Gabin, Paul Grimault, Joan Miro, Aimé Maeght, Édith Piaf, Marcel Mouloudji, Pablo Picasso, Pierre Prévert, Simone Signoret, Alexandre Trauner et Boris Vian. C'est toute une époque qui défile ainsi sous nos yeux, bouillonnante, créative, éclectique.

19,00 €
Parution : Octobre 2012
144 pages
ISBN : 978-2-8459-7454-8
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Extrait

«MOI, JE M'ENTENDS BIEN AVEC MOI-MÊME.
JE SUIS UN DE MES MEILLEURS AMIS.»
Jacques Prévert

L'art de l'amitié

Pour Jacques Prévert, l'amitié est fondamentale. Elle se noue en un regard. D'un battement de cils, il sait reconnaître un nouvel ami. L'illustratrice Jacqueline Duhême a connu Prévert alors qu'elle faisait ses classes auprès d'Henri Matisse, pour la création de la chapelle du Rosaire de Vence. Elle résume très bien la genèse des amitiés prévertiennes : «Il juge d'avance les gens qu'il voit pour la première fois. Il donne l'impression de les connaître depuis longtemps, aussi son premier contact est-il d'emblée amical ou pas.» Là est la quintessence; inutile de tergiverser : avec Jacques Prévert, l'amitié naît d'un coup de coeur, d'une reconnaissance instinctive, presque viscérale.

Et Duhême ajoute : «Lorsque Jacques a donné son amitié, elle reste solide et fidèle. Il ne compte pas le temps donné à ses amis, mais il exige en retour une loyauté sans faille.» À cette fulgurance initiale succède en effet une fidélité amicale de toute une vie. Les rencontres de jeunesse ne se sont jamais démenties, jusqu'aux derniers souffles des uns et des autres : le créateur de la collection «Série noire» Marcel Duhamel et le peintre Yves Tanguy, rencontrés durant le service militaire; les surréalistes André Breton, Robert Desnos, Raymond Queneau, avec qui Prévert s'est lié entre 1924 et 1930; les membres du groupe Octobre, la troupe théâtrale pour laquelle Prévert écrit de 1932 à 1936 : Yves Allégret, Maurice Baquet, Jean-Louis Barrault, Louis Bessières, Jacques-Bernard Brunius, Margot Capelier, Paul Grimault, Jean-Paul Le Chanois, Suzanne Montel, etc. Compagnons des bons jours, compagnons des mauvais jours, compagnons pour toujours.

L'une des caractéristiques de l'amitié prévertienne est de ne pas être exclusive. Elle est en effet joyeusement contagieuse, si bien que se constitue une véritable «bande à Prévert». Autour d'un verre, voire de plusieurs, les liens se tissent. Et les amis des amis deviennent de nouveaux amis ! De tous âges, de toutes catégories sociales, de toutes nationalités et des deux sexes, telle est l'amitié selon Jacques Prévert. Sa fille Michèle collectionne les dessins de Jean-Paul Goude, qui sont édités tous les lundis dans Le Figaro. Tout naturellement, le jeune dessinateur est convié à la table familiale. Goude témoigne : «Jacques m'a appris à ne pas avoir de préjugés. Tout le monde était bienvenu chez les Prévert. Qu'on soit savant, clochard ou duchesse, Jacques s'adressait à tous de la même façon, avec la même simplicité, le même enthousiasme.» Effectivement, sont invités jeunes et moins jeunes, artistes inconnus et célèbres, hommes et femmes modestes et fortunés, venant de toutes les contrées du monde. Aucune discrimination pour faire partie du cercle amical, seules comptent la vérité des sentiments et la loyauté des relations. L'amitié paraît si simple et naturelle. Marcel Mouloudji se souvient qu'«il advenait que la femme de l'un devînt celle de l'autre sans que cela ne provoquât de drame cosmique». D'abord marié à Simone, qui deviendra la femme de son ami Louis Chavance, Jacques épousera Janine, auparavant unie à son copain Fabien Loris.

Cette amitié est fondée sur le partage. Jacques Prévert aide ceux qui sont dans le besoin. Le décorateur Alexandre Trauner raconte : «Quand Jacques gagnait de l'argent, il y en avait pour tout le monde. Quand le robinet se fermait il n'y en avait pour personne.» Cette solidarité est aussi courageusement agissante. Prévert et ses proches permettent à Alexandre Trauner et au compositeur Joseph Kosma, tous deux juifs, de travailler clandestinement aux Visiteurs du soir (1942, Marcel Carné) et aux Enfants du paradis (1945, Marcel Carné). Ils oeuvrent cachés dans la montagne près de Tourrettes-sur-Loup. Et Prévert, qui mesure combien les premiers pas peuvent être difficiles, aide les débutants à se lancer : le chanteur et acteur Marcel Mouloudji, le peintre Gérard Fromanger, le peintre Antoine Malliarakis (dit Mayo) - qui deviendra costumier p

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