La Guerre Noble
Editeur : Le Navire en pleine ville
Ce livre est un événement. Son auteur, Luis Ruiz est gitan, et sa culture est toute d’oralité. Pourtant, que ce soit à travers ses photographies qu’il expose régulièrement, ou à travers ses textes qui sont tous des odes à la richesse du monde dont il est issu, Luis Ruiz a choisi de créer des passerelles entre l’univers gitan et celui des gadjos. Et pour la première fois, un texte écrit par un membre de la communauté gitane reçoit le soutien de ses pairs, et sa publication en est encouragée. Ce conte philosophique et poétique est un bijou de tendresse et de passion, un texte qui dit à la fois la fierté d’un peuple, sa douleur de n’être toujours pas accepté tel qu’il est ou d’être caricaturé, ravalé à quelques notes de musiques et d’éternels clichés. Mais aussi et surtout, l’histoire de Catalana et de son grand-père est porteuse de l’espoir fou que l’échange, le respect mutuel et l’ouverture à une vraie communauté de cultures pourra enfin changer le regard que gitans et gadjos portent les uns sur les autres.
Catalana est une adolescente qui s’interroge : qu’est-ce qui fait sa différence ? Ses cousins et cousines eux, ne se posent pas tant de questions. Le monde est comme il est, les gadjos seront toujours prêts à chasser les gitans et à les mépriser, à les réduire à quelques notes de guitares et trois pas de Flamenco. Mais Catalana a des liens particulier avec son Grand-père, le chef de la famille. Et lui aussi s’interroge et ne se satisfait pas des choses comme elles sont. Ils partagent un rêve : celui de voir les gitans tendre la main à ce que les gadjos peuvent leur offrir de meilleur : l’éducation, la culture écrite. Et faire de cet échange, culture orale et culture écrite enfin réconciliées, la base d’une nouvelle amitié, d’un nouveau respect...
Extrait
Catalana demanda à son grand-père :
- Qui sommes-nous ? Pourquoi nous voyageons depuis que je suis toute petite et pourquoi nous n'avons pas de maison comme les Gadjos ?
Le grand-père lui montra la caravane et lui dit à la fois avec fierté et colère :
- Et ça, c'est pas une maison ?... Elle est encore plus jolie que celle des Gadjos et elle roule. Grâce à elle, nous avons la chance de voir des paysages que les Gadjos, eux, ne découvriront jamais.
Catalana ne paraissait pas satisfaite de cette réponse.
C'est une jeune fille curieuse et pleine de malice, différente des autres jeunes Gitanes de son âge. Elle ne craint pas de questionner son grand-père sur la vie de son peuple : pourquoi ? comment ? est-ce que ?... Chaque jour qui passe Catalana a une nouvelle question qui lui traverse l'esprit.
Le grand-père aimerait lui répondre juste et bien mais parfois les questions de Catalana lui laissent le coeur vide et les lèvres muettes.
Un jour que Grand-père dormait dans sa caravane, Catalana en profita pour faire un tour en ville avec ses cousines. Elle n'aime pas y aller seule. Elles partent faire les magasins, essayer les plus belles robes, bien qu'elles aient juste assez d'argent pour manger au fast-food. Mais elles sont comme ça, ses cousines, elles rêvent de porter ces robes à l'occasion d'un mariage, et de pouvoir danser devant le regard de leur promis. Pour le moment, elles ne dansent que devant le miroir de la boutique et sous le regard agacé de la vendeuse.