Marcher la vie: Un art tranquille du bonheur

Auteur : David Le Breton
Editeur : Metailié

Huit ans après Marcher et vingt ans après Éloge de la marche, l'auteur revient sur le plaisir et la signification de la marche, et nous en révèle les vertus thérapeutiques face aux fatigues de l'âme dans un monde technologique.

La marche connaît un succès planétaire en décalage avec les pratiques de sédentarité ou de sport en salle, tapis de course... prédominant dans nos sociétés. Cette passion contemporaine mêle des significations multiples pour le même marcheur : volonté de retrouver le monde par corps, de rompre avec une vie trop routinière, de peupler les heures de découvertes, suspendre les tracas du jour, désir de renouvellement, d'aventure, de rencontre.

Une marche sollicite toujours au moins trois dimensions du temps : on la rêve d'abord, on l'accomplit, et ensuite on s'en souvient, on la raconte. Même terminée, elle se prolonge dans la mémoire et dans les récits que l'on en fait : elle vit en nous et est partagée avec les autres.

Dans ce livre - ludique, intelligent et stimulant -, l'auteur revient sur le plaisir et la signification de la marche, et nous en révèle les vertus thérapeutiques face aux fatigues de l'âme dans un monde de plus en plus technologique.

10,00 €
Parution : Juin 2025
Format: Poche
168 pages
ISBN : 979-1-0226-1490-0
Fiche consultée 30 fois

Extrait

Le Vagabond approximatif

Comme Ulysse, il est nécessaire parfois d’accomplir le tour du monde et de se perdre en mille folies avant de rejoindre Ithaque. Même si l’issue était au flanc de la colline d’à côté ou sur les berges du fleuve à deux pas de sa maison, il fallait ce détour, parfois au bout du monde, pour en prendre conscience. Ce lieu est toujours innombrable car nous ne cessons de le chercher. Tout voyage participe de cette quête d’un lieu où exister se ferait en toute évidence dans une sorte de reconnaissance immédiate et de ravissement. Chacun cherche le lieu de sa renaissance au monde. Une sorte de magnétisme intérieur nous guide, une volonté de chance à saisir en toute confiance. Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin. “Parfois, écrit Thoreau, c’est une trentaine de mètres que j’aimerais parcourir, comme si l’air qui souffle m’y attirait ; là, me dis-je, ma vie va venir à moi ; comme un chasseur, je marche pour la trouver. Quand j’aurai derrière moi le versant sans arbres de la colline aux airelles, alors vraiment mes pensées s’épanouiront. Y a-t-il une influence secrète, une vapeur que le sol exhale, une vertu dans les vents qui soufflent ou dans toutes les choses agréables qui s’offrent là ensemble dans mon esprit” (1981, 66). On éprouve justement dans certains endroits le sentiment qu’ils nous attendaient et n’avaient jamais cessé de nous hanter. Ce n’est pas une découverte mais un retour. Le temps se dérobe, toute l’histoire personnelle converge vers ce moment. La lumière n’est plus celle qui baigne la vie ordinaire, un autre monde au sein duquel nous sommes sur le point de rentrer se fait pressentir. Une autre dimension du réel s’ouvre, marquée par la sérénité, la beauté. Le silence qui y règne parfois est un fleuve aérien qui enveloppe le marcheur, l’emporte dans son courant, affûte ses sens et élargit un sentiment de résonance sans défaut avec les mouvements du monde. Certains lieux possèdent peut-être une conscience et ils cherchent à dire au passant leur plaisir de le voir arpenter leur domaine. Nous allons à leur recherche, inlassablement. Sans doute faut-il parfois assister les dieux, les aider à resplendir lors de notre passage. Il fallait être là à ce moment précis pour que le paysage atteigne sa perfection, avec le sentiment qu’il attendait notre présence et n’est là que pour nous seul à la manière d’un don qui n’attend rien en retour sinon ce sentiment de paix et d’alliance.

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