Le matériel du tueur
Pourquoi un détenu, petit délinquant apparemment sans histoire, est-il libéré dans des conditions particulièrement sanglantes par un commando mafieux ? La commissaire d'une unité d'élite, Elena Rinaldi, se lance à ses trousses, assistée de mauvaise grâce par l'inspecteur Ferraro, un de ses ex. Avec l'aide de Lanza, hurluberlu génial de l'Agence européenne, ils découvrent qu'ils pourchassent en réalité un tueur redoutable, échappé des brûlantes brousses d'Afrique et des camions du trafic d'esclaves. Il poursuit seul une vengeance implacable et toute personnelle. Haile l'Érythréen a tout pour inquiéter : l'anonymat, la cruauté, l'intelligence et une volonté de fer, spartiate, militaire. Le matériel du tueur.
Gianni Biondillo, maître du roman noir, nous emmène dans un road-movie haletant, d'un bout à l'autre d'une Italie violente, nerveuse, divisée, pétrie de peurs anciennes et nouvelles, accablée par un ciel de plomb, où défile toute une humanité improbable mais bien réelle.
Le lecteur se laisse emporter, étourdi et reconnaissant.
Extrait
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La brume, la brume, cristaux de glace suspendus, nuage pédestre, la brume qui monte, petite pluie fine, orgeat opalin qui cache les choses lointaines, halo blanchâtre, pâle, diffuseur laiteux d’abstraites réminiscences lunaires, la brume dure, presque, solide, trempée, des millions de gouttelettes dansantes, qui estompent, émoussent, amortissent l’ouïe, la brume qui presse, qui étouffe les chuchotements, capitonne les pas, fait taire les chiens, se couche sur la plaine, la brume, drap de coton étendu, voûte de voile, coupole de fumée, vapeur, brouillard, la brume, celle des contes de fées, mysté- rieuse, menteuse, domestique, la brume des rêves, celle que les enfants de Milan n’ont jamais vue, mur d’ouate, rideau de théâtre, haleine de la terre, la brume qui presse dans le cadre en damier de la fenêtre, qui voudrait se précipiter, gicler, entrer dans l’obscurité de la cellule, se répandre, glace sèche, fumigène, la brume qui enfin se retient, pudique, effrayée par les hurlements de détresse qui résonnent dans le noir profond, la brume qui se fait vague lueur, verre gravé, qui se retire, retourne dans le monde, et, vaincue, quitte les cris et les gargouillis de sang éructés par les mâchoires épuisées de l’homme, écroulé sur la civière, à un pas de la mort. Peut-être.
