Le dernier thriller norvégien

Auteur : Luc Chomarat
Editeur : Manufacture des livres

Delafeuille, l’éditeur parisien, débarque à Copenhague pour y rencontrer le maître du polar nordique, au moment même où la police locale est confrontée à un redoutable serial killer : l’Esquimau.
Coïncidence ?
A peine installé à l’hôtel avec le dernier roman de l’auteur, Delafeuille découvre que la réalité et la fiction sont curieusement imbriquées… et qu’il pourrait bien être lui-même, sans le savoir, un personnage de thriller nordique.
Tueur fou, flics au bord de la crise de nerfs, meubles Ikéa, livre à tiroirs, tempête de neige, ours polaires, Sherlock Holmes et la petite fille aux allumettes : Luc Chomarat nous livre une épopée littéraire jubilatoire, un tour sur le grand huit où le rire le dispute au vertige.

16,90 €
Parution : Juin 2019
206 pages
ISBN : 978-2-3588-7492-2
Fiche consultée 17 fois

La presse en parle

Une satire féroce et très réjouissante d’un monde de l’édition étriqué et cupide, usant jusqu’à la corde un genre littéraire dont seul nous délivrera, d’après l’auteur, le très redouté réchauffement climatique !
Philippe Blanchet - Le Figaro Magazine


De déraillement en déraillement, ce jeu de bonneteau nous mène impassiblement jusqu’au vertige, que Chomarat se charge d’épicer pour finalement retomber en pirouette sur ses pattes de velours ensanglanté, non sans distiller une mélancolie tenace quant à la vie des livres telle qu’elle va. A cela, seul l’humour est un remède, et Chomarat comme son récit en ont plein leurs tiroirs.
François Gorin - Télérama

Extrait

Copenhague - Nouvelle victime de l’Esquimau

Presque distraitement, Delafeuille fit glisser l’information sur sa tablette, puis revint en arrière et cliqua sur le lien. L’article était relativement bref.

Ulla Rzstrmorg, la jeune fille retrouvée en cinq morceaux dans la forêt de Grnd dans la matinée de vendredi serait elle aussi une victime du tueur en série connu sous le nom d’Esquimau. La police a confirmé que le modus operandi était identique. Ulla Rzstrmorg est la sixième victime de l’Esquimau à ce jour.

Delafeuille soupira, revint sur la liste, fit défiler une série de titres qui l’informaient de façon lapidaire que l’Europe traversait une crise économique sans précédent, la première de cette envergure depuis l’année dernière. Et que le Paris Saint-Germain avait écrasé l’AS Saint-Etienne. Il fut incapable de retenir le reste. Depuis qu’elles lui parvenaient sous forme numérique, les nouvelles ne retenaient que difficilement son attention. D’abord, il y en avait trop. Les choses semblaient se télescoper sur son petit écran de voyage. Et de toute façon, il ne voyait pas quoi y faire. En quoi pouvait-il influer sur les décisions de Poutine, l’issue de la guerre en Syrie ou le destin de Coca-Cola ? Pouvait-il même modifier le score en faveur de l’AS Saint-Etienne ? L’âge et la fatigue y étaient peut-être pour quelque chose, mais Delafeuille ne pouvait nier qu’il était de plus en plus désinformé. L’ère numérique, en multipliant les sources d’information et la vitesse à laquelle elles lui parvenaient, l’avait détourné de ce qu’il considérait autrefois comme un devoir, à savoir être au courant de ce qui se passait dans le monde.
À nouveau, il soupira. Où était la presse écrite dont il avait été lecteur assidu presque toute sa vie ? Il l’idéalisait peut-être, cette presse écrite, par le simple jeu du souvenir. Depuis combien de temps n’avait-il plus ouvert un quotidien de papier ? Des années, probablement. Fut un temps où c’était un geste aussi naturel que de se raser le matin… Il lui semblait malgré tout qu’alors, on s’arrêtait davantage sur les évènements, qu’on les analysait un tant soit peu, qu’on cherchait des angles de réflexion… Avait-on encore le temps de considérer une information, au sens étymologique du terme ? De chercher au-delà des faits, de trouver un sens, de dégager une signification ? Peut-être qu’il se passait moins de choses à l’époque… Non, c’était absurde. On ne pouvait pas dire qu’il ne s’était rien passé au XXe siècle, le siècle de l’holocauste, de l’ère atomique et du livre de poche.
Peut-être qu’il se faisait des idées, tout simplement. Peut-être qu’il était lui-même devenu une relique, une vieillerie, comme ces quotidiens qu’il fallait déplier et replier dans tous les sens, pour déchiffrer des caractères minuscules, accoudé au zinc, et de l’autre main, celle qui ne tenait pas le journal, attraper son petit café du matin. Peut-être que c’était aussi banal que ça.
Il ne pouvait s’empêcher aussi de constater combien, chez la plupart de ses contemporains, l’information était un produit de consommation comme un autre, qui ne modifiait en rien leur quotidien. Cela aussi avait joué. Pour qu’une nouvelle retienne son attention maintenant, il fallait vraiment qu’il y ait un rapport direct avec ses préoccupations du moment.
Donc, l’Esquimau avait fait une nouvelle victime.
Cela l’avait arrêté pour une raison toute simple : même s’il était encore dans l’avion, il se trouvait depuis quelques minutes sur le sol du Danemark. Copenhague. Copenhague, le théâtre des crimes atroces qui défrayaient la chronique depuis six mois. Il éteignit la tablette, colla son nez au hublot, cherchant à distinguer les bâtiments de l’aérogare dans l’impénétrable nuit nordique striée de flocons blancs.
C’était la première fois que Delafeuille se rendait au Danemark. Il était là pour négocier les droits de traduction du dernier opus d’Olaf Grundozwkzson, le nouveau pape du thriller nordique. Des pavés de huit cents pages qui se vendaient comme des petits pains, dans le monde entier. Grundozwkzson était traduit dans pas moins de vingt-six langues. Pas forcément sa littérature préférée, mais Delafeuille avait vendu sa petite maison, il travaillait à présent pour les éditions Mirage, ce n’était pas à lui de décider si le thriller nordique c’était bien ou pas. Les gens de la compta, quant à eux, trouvaient ça formidable.

Autres éditions

Le Dernier Thriller norvégien
Poche (Juin 2020)
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